Red One, « une bouse visuelle et sonore »

Boum Boum, le dernier clip de Red One  , a été vu plus de 35 millions de fois sur YouTube. Pour Nouhad Fathi, notre blogeuse à Mondafrique, ce clip est le pire qui soit.

La vidéo s’ouvre sur deux jolies jeunes femmes — l’une est le sosie de Kylie Jenner, canon esthétique de l’époque oblige, et l’autre est Amanda Cerny, que je croyais naïvement être une actrice porno — qui découvrent, agréablement surprises, ce que Allah a mis sur leur chemin : une calèche magique et deux dmalej pour la téléportation. Les étudiantes montent à bord du véhicule, enfilent les bracelets et, Boom, elles se retrouvent nez à nez avec un Red One rajeuni par la diète et la dermatologie qui les accueille derrière le portail doré d’un palace, en chantant une épouvantable reprise de la chanson Lady de Modjo.

Que serait le Maroc sans ses clichés? Tout de suite, on a droit au gnaoui acrobate, aux jolies brunes, aux jarres peintes au goudron, aux dunes de sable… Les effets spéciaux dignes d’une pub Magdor des années 2000 sont à couper le souffle. Les demoiselles sont ensuite téléportées à Chefchaouen, ville natale de Red One, où elles font du skate sur le toit d’un taxi blanc. Notons dans la foulée la présence du placement de produit le plus débile de l’histoire de la pop : “Guess” en guise d’insigne de taxi blanc. Bref. Nos protagonistes sont maintenant à Cabo Negro où notre producteur star, débarrassé de ses rides d’expression (botox) continue à charcuter l’un des hits les plus mémorables des années 2000. La scène est trop bleue et blanche, des avions viennent alors polluer le ciel avec des projections de particules rouges et vertes. Vive le Maroc !

Je vous jure!

Je vous jure!

Oh, il y a aussi une violoniste qui ne sert à rien ; on la voit exactement au moment où l’on entend des trompettes.

Le duo se retrouve après dans une ville que je ne connais pas — excusez-moi, je ne connais pas les trois quarts de mon pays parce que j’ai peur de m’y faire violer en voyageant seule. Des cavaliers habillés en bleu chargent des deux côtés, mais au lieu de s’enfuir, nos héroïnes téméraires choisissent de poser en selfie. Pendant ce temps sur le toit d’un monument, Red One éructe des “Oh”, French Montana mâchouille des paroles incompréhensibles et Dinah Jane se trémousse dans une robe à stress.

Daddy Yankee les attend à la Mamounia où il tue le temps en donnant des claques à des fesses invisibles. Les filles débarquent en robe de soirée dans une voiture de luxe couleur taxi Marrakchi, mais ce n’est pas un taxi. Il y a un lion dans le tas et plein de jolies filles qui semblent souffrir de l’inconfort d’un tampon mal inséré. La violoniste passe derrière les platines à la Daft Punk mais garde son instrument entre le menton et l’épaule. Les robes longues et les smokings n’étant pas très marocains, les danseurs les troquent contre des jabadors en un claquement de doigts grâce à l’imagerie de synthèse (ça s’appelle vivre avec son époque). La scène se passe en plein jour. Pourquoi? Parce qu’il y a des montgolfières sur lesquels une marque de thé glacé a été placée. Red One sirote le breuvage dans un quad en brandissant notre beau drapeau marocain. L’enchaînement des prises n’a aucune logique et pourtant tout est prévisible.

Les filles ont assez vu maintenant, place à autre chose, les bracelets les propulsent à Merzouga autour d’un feu de camp. Il y a de tout, y compris un enfant et un gars d’Asie du Sud (j’allais écrire Indien, mais il peut tout aussi être Pakistanais). De toute façon, comme j’ai mentionné plus haut, ce clip n’a aucune logique visuelle, c’est probablement pour cela qu’elles remettent leurs robes de soirée pendant leur téléportation à leur alma mater ­— Red Coast University, qui n’existe pas soit dit en passant. Là, un vieux monsieur leur ordonne de retourner à leur classe avant de se rendre compte qu’elles sont habillées comme des putes. Voyez-vous, au Maroc elles peuvent porter ce qu’elles veulent hein. Elles se lancent un regard comme pour dire “euh la réalité est trop chiante, retournons au Maroc où Red One nous attend sur un toit avec un drapeau marocain”. Clap de fin.

A noter que l’Office national marocain du tourisme, c’est-à-dire notre poche, a financé en partie cette bouse visuelle et sonore. La raison? Séduire les touristes américains (de sexe féminin je suppose, étant donné le genre des protagonistes). Ce n’est pas une blague. C’est parce que trèspeu de voyageuses solos gardent du Maroc un bon souvenir, ou bien parce que le seul pays pire que le nôtre pour les touristes femmes c’est la nation qui a inventé les viols en groupe sur la place publique?