Le gouvernement nigérien va-t-il fermer les yeux sur des massacres de civils criminels, sans précédent jusqu’ici? Une chronique de Nathalie Prevost?
Ils ont tant acclamé, ces dernières années, leurs « vaillantes forces de défense et de sécurité », y compris dans les moments de défaite ! Les Nigériens vont-ils accepter l’indignité de ces massacres de civils sans défense, commis loin de la capitale, dans les régions les plus déshéritées du pays, où les populations vivent déjà un enfer, livrées à la pauvreté, la sécheresse, l’ état d’urgence et aux groupes djihadistes ?
Après avoir couvert pendant des années des détournements de fonds massifs au ministère de la Défense, après avoir appelé le monde entier à combattre à ses côtés « les organisations terroristes et criminelles qui sèment la terreur et la désolation », le gouvernement nigérien va-t-il fermer les yeux sur des actes graves, criminels, sans précédent jusqu’ici, dans un pays peu épargné par l’adversité mais riche d’une culture de la paix souvent citée en exemple ?
Des valeurs démocratiques trahies
Les gouvernements européens ont salué, encouragé, financé la montée en puissance des armées du Sahel, ne lésinant ni sur les millions d’euros, ni sur le sacrifice de leurs soldats, au prétexte martial de lutter contre les forces obscurantistes et, plus pragmatique, de bloquer le chemin aux migrants africains. Les occidentaux vont-ils encore une fois, fermer les yeux et trahir les valeurs démocratiques qui les fondent ?
Et la France ? Après avoir traqué et défait le colonel Kadhafi en Libye, en 2011, après avoir stoppé à Konna l’avancée des colonnes djhadistes au Mali, en 2013, au nom de la fragilité des Etats du Sahel, voilà qu’elle s’enfonce jour après jour, au propre comme au figuré, dans les sables mouvants d’une fausse guerre propre, où les terroristes dessinent petit à petit leur califat, tandis que les armées et les Etats s’illustrent, toujours plus visiblement, par la prédation et la brutalité.
Il serait bien naïf de croire que la victoire des cœurs et des esprits au Sahel supplicié sera arrachée par un sursaut militaire, tel que celui qu’Emmanuel Macron a promis à Pau, devant des chefs d’Etat africains feignant l’affliction. Il n’y aura de vrai sursaut que moral. Et les populations jugeront elles-mêmes de sa sincérité.