Désiré Ename, président de la section Gabon de l’Union internationale de la presse francophone (UPF) et directeur de l’hebdomadaire Echos du Nord s’inquiète du climat dans lequel s’est déroulée la présidentielle gabonaise le samedi 26 août.
C’est un huis clos digne de Jean-Paul Sartre, qui se joue actuellement au Gabon. Si, dans l’ouvrage de l’auteur français, l’enfer, c’était les autres, à Libreville, le diable se cache dans les couloirs du Palais du bord de mer. Et les spectateurs habituels de notre désarroi, que sont la France et, plus globalement, l’Europe, ne peuvent avoir les yeux rivés sur le Gabon. Alors que l’élection présidentielle s’est déroulée le samedi 26 août, tout a été fait pour que celle-ci se joue sans que l’on puisse la scruter. Observateurs internationaux, scrutateurs locaux et journalistes ont été priés de plier bagage pour que tout se déroule dans un huis clos inquiétant. D’autant plus inquiétant qu’internet a été coupé et qu’un couvre-feu a été instauré.
Pour nous, journalistes gabonais, ces méthodes sont habituelles. Le régime d’Ali Bongo Ondimba n’a eu de cesse, depuis son arrivée au pouvoir, de mettre des bâtons dans les roues à ceux qui oseraient le critiquer. Plusieurs fois, notre journal, Les Echos du Nord, a été suspendu par le Conseil national de la communication (CNC). Plusieurs fois, nous avons dû, avec d’autres journalistes, subir les interrogatoires de la Direction générale des recherches (DGR) lors de gardes-à-vue censées nous intimider. J’ai même dû m’exiler en France pour éviter les pressions quotidiennes de la part du pouvoir.
Mais en cette année de présidentielle, nous avons passé un triste cap. Surfant sur le sentiment anti-français, omniprésent en Afrique, le ministre de la Communication a annoncé l’interdiction provisoire de diffusion au Gabon des médias France 24, RFI et TV5 Monde, sous prétexte d’un « manque d’objectivité », laissant les journalistes gabonais indépendants livrés à leur sort. Aucune accréditation n’a été délivrée aux journalistes étrangers, aucune accréditation n’a été délivrée aux observateurs, qu’ils soient européens ou africains. Au-delà de la problématique du traitement de l’élection présidentielle, laissé dans le pays aux télévisions et radios nationales, affilées à l’Etat, nous assistons à la mise en place d’un système de fraude à grande échelle, que les partenaires historiques du Gabon doivent déplorer.
Sans internet, les opposants sont aujourd’hui dans l’incapacité de compiler les résultats, qui vont être publiés par le Centre gabonais des élections (CGE), sans que l’on puisse les contester. Après s’être taillé une loi électorale sur mesure, Ali Bongo Ondimba musèle la presse pour mieux s’imposer, sans qu’aucune voix ne puisse s’élever contre cela. Pourtant, comme l’indiquait début août Gilberto Da Piedade Verissimo, président de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), « les journalistes sont des acteurs majeurs dans tout processus électoral comprenant la période pré- électorale, la période électorale et la période post-électorale ».
Quelles sont aujourd’hui les solutions à la mainmise sur la presse gabonaise du tout-puissant Parti démocratique gabonais (PDG)d’Ali Bongo Ondimba ? La plateforme Alternance 2023 a mis en place un portail de recueil et d’analyse des résultats, Elections Gabon. Mais tout est fait pour couper les communications entre les « points focaux » de la coalition, répartis dans les différentes provinces, et le QG d’Alternance 2023. Tout est fait pour préparer l’annonce des résultats, par le CGE, favorables au pouvoir. Tout est fait pour menacer les médias qui désireraient enquêter sur d’éventuelles fraudes. Tout est fait pour que le Gabon reste aux mains d’une famille despotique, au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle.
Désiré Ename est président de la section Gabon de l’Union internationale de la presse francophone (UPF) et directeur de l’hebdomadaire Echos du Nord
Albert Ondo Ossa, l’universitaire gabonais qui défie Ali Bongo.