L’ancien Premier ministre malien et une des personnalités fortes de la classe politique de ce pays, Moussa Mara, estime que le volet social doit impérativement accompagner la lutte contre la pandémie.
La riposte sanitaire vigoureuse, dans un cadre de transparence absolue sur la réalité, permettra de susciter la confiance des populations et leur acceptation de mesures difficiles pour stopper la
circulation du virus dans notre pays. Ces mesures toucheront chacun dans son existence et nous devrons tous modifier nos habitudes pour nous y conformer dans l’intérêt de la nation.
Comme vu ailleurs, nous devons réduire les mouvements des populations et les occasions de contact. Cela passera sans doute par la sanctuarisation des villes, notamment Bamako. Il faut faire suivre ces mesures par des initiatives destinées à convaincre les populations de rester chez elles.
La diminution de l’activité gouvernementale et celle des administrations, le soutien massif au télétravail, le recours systématique à la visioconférence aideront à cela. Les autorités doivent engager des subventions
diverses aux populations pour le paiement de l’eau, l’électricité, le téléphone, internet…allant jusqu’à la gratuité de ces services essentiels. Il faut envisager la prise en charge des loyers qui constituent le
plus gros poste de dépense des populations urbaines pauvres. Le soutien aux livraisons à domicile, les distributions gratuites d’aliments sont à organiser pour pousser les citoyens à rester chez eux.
En Afrique, il n’est pas possible d’engager le confinement intégral des populations. Il est néanmoins
possible de conduire des activités qui aideront nos pays à limiter fortement les contacts. Les initiatives publiques décrites ci-dessus reviennent à l’Etat central. D’autres initiatives doivent être confiées aux collectivités territoriales pour être mises en œuvre de manière efficace. Elles
complèteront ainsi les activités engagées individuellement par les citoyens ou les organisations de la société civile.
Les mairies, conseils de cercle ou de région doivent rapidement emboiter les pas du Gouvernement. Il faudrait systématiser la mise en place d’équipements de prévention, des kits de lavage de main… dans
les lieux publics comme les marchés, les lieux de sports collectifs, les bâtiments publics, etc. Les collectivités doivent agir auprès des acteurs économiques locaux (maisons d’artisans…) pour une prise
de conscience et la promotion des attitudes de protection à ces différents niveaux. La reconfiguration de nos centres d’état civil (quartier, village) pour sensibiliser, informer les usagers est à opérer
rapidement.
A l’échelle locale, il faut organiser la prise de mesures limitatives des rassemblements sociaux (mariage, baptêmes, funérailles…) pour freiner la propagation de la maladie. Les pouvoirs locaux doivent également soutenir le renforcement des capacités des Centres de santé communautaires ou de références (CSCOM, CSREF) et les hôpitaux régionaux afin de lieux les ancrer avec le dispositif national. La coopération avec l’Etat contribuera à rendre le dispositif sanitaire national robuste.
Des efforts organisationnels, financiers et matériels importants sont attendus des collectivités territoriales pour conduire toutes ces initiatives de manière satisfaisante. Elles doivent y être engagées
et encouragées par le pouvoir central.
Au niveau de la société civile, les acteurs économiques doivent être incités à modérer les prix de produits courants. Cela peut aussi s’illustrer par la fixation des prix de certains produits de première nécessité par les autorités politiques compte tenu du contexte. Au-delà de la modération des prix, il convient d’engager toutes les organisationssocio professionnelles
à définir des règles d’hygiène, de protection, de mesures de sauvegarde…à imposer à leurs membres.
Toutes les organisations doivent être mobilisées pour ce faire. La pandémie du coronavirus 19 a ébranlé le monde, chacun doit comprendre cela et se mettre à hauteur des enjeux. Les organisations et leaders religieux sont à impliquer dans la prévention contre le virus. Il est impératif
qu’ils agissent sans discontinuer vers une meilleure mobilisation des populations. La fermeture des lieux de culte en fonction de l’évolution de la menace doit être régulièrement évoquée avec eux pour
prendre des décisions appropriées en la matière.
Enfin, Il faut écouter le monde des entreprises et établir avec eux un réel partenariat en vue de la mise en œuvre des propositions qu’ils ont faites pour aider le pays à mieux faire face aux conséquences de
la pandémie. Au-delà de l’Etat, des collectivités et des organisations de la société civile, chaque malien doit comprendre qu’il lui faut agir pour se protéger et protéger ses proches de ce mal envisage et sournois.
Aucune mesure de sécurité publique ne sera porteuse en l’absence d’actions citoyennes individuelles indispensables à sa durabilité.
Chaque citoyen qui le peut doit s’investir dans la sensibilisation des maliens, faire des vidéos, intervenir sur les radios et dans les plateaux de télévision pour alerter, informer et contribuer à éclairer nos
compatriotes. Les personnalités populaires, bénéficiant d’un soutien important au sein de la population doivent s’impliquer sur ce segment de la lutte. Elles pourront d’ailleurs se mettre ensemble, à l’échelle d’une zone donnée ou au niveau national pour lancer des messages ou conduire d’autres initiatives. L’engagement individuel, notamment venant de personnalités, peut aider à une plus grande vulgarisation des attitudes positives au sein de la population. Les autorités nationales et locales doivent obtenir des citoyens célèbres un plus grand niveau d’engagement au service du pays et de son action contre ce virus.
La cotisation aux fonds créés pour soutenir la riposte est souhaitable. Il est cependant plus efficace de localiser les fonds et de soutenir les engagements aux plus proches des populations afin d’éviter les
lourdeurs administratives liées à un fond national et à son utilisation.
Les citoyens qui en ont les moyens peuvent également soutenir les initiatives de prévention : donner des masques, des gels, des gants, du savon dans les lieux publics comme les marchés, places publiques,
gares routières, mosquées, églises ou lors des cérémonies. Chacun doit s’engager à aider nos compatriotes à disposer du minimum pour se protéger.
Un autre niveau d’engagement citoyen peut se traduire par l’organisation de rencontres restreintes destinées à sensibiliser les citoyens sur les comportements sains, les informer correctement, et les
amener elles-mêmes à être vecteurs de sensibilisation.
La guerre contre le COVID 19 ne peut être menée par les seuls pouvoirs publics. Nous devons nous en convaincre et les aider du mieux que nous pouvons à la mener au bénéfice de notre pays.
Moussa MARA
www.moussamara.com