Les rênes du ministère des Affaires africaines ont été confiées à un technocrate pur jus, Mouhcine Jazouli. Son lointain prédécesseur sous Hassan 2 était un anti colonialiste respecté. Une chronique de Nouhad Fathi
“Nous avons décidé la création d’un ministère délégué auprès de celui des Affaires étrangères, chargé des affaires africaines, et plus particulièrement de l’investissement, ainsi que la mise en place de deux cellules de suivi, l’une au Ministère de l’Intérieur et l’autre au Ministère des Finances”, a annoncé Mohammed VI le 13 octobre dernier, lors de son discours d’ouverture de la nouvelle année législative. Le mot clé ici est “investissement”. Le retour du Maroc à l’Union africaine et son élection, le 26 janvier dernier, au sein de son Conseil de sécurité et de la paix prouvent que le pays s’en sort bien sur le volet politique.
La prochaine étape est d’accompagner officiellement le développement économique des entreprises marocaines implantées sur le continent.
Diplomatie économique
Même si les pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont donné, le 4 juin dernier, leur accord de principe pour l’affiliation du Maroc, la décision tarde à être effective, car l’étude permettant de mesurer l’impact de l’adhésion du royaume n’a été livrée que le 7 décembre dernier. “L’adhésion du Royaume sera bénéfique pour tous”, a affirmé Nasser Bourita, le ministre des Affaires étrangères, dans une interview accordée en août dernier à « Jeune Afrique ».
Et c’est vrai à en croire les chiffres. Depuis 2001, Mohammed VI a effectué plus de 25 visites dans les pays de la Cedeao, au cours desquels plus de 600 accords ont été signés, faisant du Maroc le premier investisseur en Afrique de l’Ouest et le deuxième au niveau du continent. Ces déplacements ont permis de préserver les parts de marché déjà acquises et d’étendre le champ des investissements. Aujourd’hui, plus de 1000 entreprises marocaines sont implantées en Afrique subsaharienne, lesquelles ont investi la bagatelle de 2,2 milliards de dollars entre 2008 et 2015.
Il était une fois El khattabi
Ce n’est pas la première fois qu’un tel département Afrique figure dans l’échiquier du gouvernement marocain. De 1961 à 1963, le Maroc comptait un ministère des Affaires africaines que Hassan II avait confié à deux reprises à Abdelkrim El Khatib. Chirurgien décédé en 2008, El Khatib était actif dans les mouvements de libération africains au moment des désintégrations successives des empires coloniaux, avant de fonder en 1995 le Parti justice et développement, la première formation islamiste officielle du pays.
Indépendant depuis 1956, le Maroc était alors considéré comme une terre d’accueil pour ces mouvements de libération, dont le Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela, auquel El Khatib aurait livré, avec la bénédiction du Palais, des armes en guise de soutien au combat. Par ce rapprochement, Hassan II ne voulait pas s’associer à ces mouvements, mais perpétuer l’héritage de son père, Mohammed V, reconnu comme une figure anticolonialiste par les chefs d’État du continent, et réjouir les nationalistes de l’Istiqlal, à l’époque sensibles à la cause panafricaine.
Un technocrate aux commandes
Tout autre est le profil de l »actuel titulaire du départemetn des Affaires africaines, Mouhcine Jazouli. Ce technocrate de 49 ans doit sa nomination à son expérience dans l’accompagnement des investisseurs marocains désireux de s’implanter en Afrique subsaharienne. Diplômé de l’université Paris Dauphine, cet as du consulting a créé un cabinet de consulting qui emploie 70 personnes et enregistre un chiffre d’affaires de 117 millions de dirhams pour un marché de moins de un milliard.
Comme les temps changent…