Madagascar refuse une économie basée sur la rente

A l’heure où l’aide publique au développement (APD) continue de jouer un rôle central dans les politiques de coopération internationale et où l’apport financier des bailleurs demeure indispensable l’enjeu est de repenser les modalités d’intervention pour sortir du piège de la dépendance.

Un texte de deux « agitateurs » de ll’Observatoire de la Vie Publique de Madagascar (AOVPM), aovpm31@gmail.com (RNA W811010730)

Mosesy Herininahary

Nivoary Ranarisoa

« C’est le propre de l’homme de se tromper ; seul l’insensé persiste dans son erreur« . Cicéron.

Cette petite île du Pacifique, qui a connu une ruée vers son phosphate à la fin du siècle dernier, illustre les conséquences tragiques de l’exploitation irresponsable des ressources naturelles.
Cette petite île du Pacifique, qui a connu une ruée vers son phosphate à la fin du siècle dernier, illustre les conséquences tragiques de l’exploitation irresponsable des ressources naturelles.

Loin de tout rejet dogmatique, nous plaidons pour une révision concertée de la gouvernance de l’aide, afin qu’elle devienne un véritable levier de souveraineté et non un substitut aux responsabilités nationales. Car l’histoire récente regorge d’exemples qui alertent sur les risques d’un développement sans ancrage local.

Le cas de Nauru, archipel du Pacifique autrefois prospère grâce à ses mines de phosphate, illustre de manière tragique les conséquences d’une économie fondée sur la rente, sans stratégie de transformation. En quelques décennies, cette richesse s’est évaporée, laissant derrière elle un territoire appauvri et dépendant de l’aide internationale. Une trajectoire que Madagascar, riche en ressources minières stratégiques, ne peut se permettre de reproduire.

Des projets visibles, un impact limité

Depuis 2011, plus de 500 millions d’euros ont été injectés à Antananarivo par des institutions comme l’AFD, la Banque mondiale ou la BEI, notamment pour améliorer l’assainissement, l’accès à l’eau potable et la gestion des inondations. Pourtant, les résultats sur le terrain restent contrastés. Les infrastructures peinent à répondre à la croissance urbaine, et la population peine à percevoir les bénéfices concrets de ces investissements.

Le téléphérique d’Antananarivo, financé en partie sur fonds étrangers, cristallise ces tensions : un projet à 152 millions d’euros, contesté pour son coût, son accessibilité limitée, et l’absence de concertation avec les habitants. Ces critiques ne visent pas les bailleurs eux-mêmes, mais un système où la chaîne de décision reste trop souvent verticale, technocratique et éloignée des réalités locales.

Un partenariat à réinventer

Nous ne remettons pas en cause la nécessité de l’aide, ni la bonne foi des partenaires au développement. Mais les modalités d’action doivent évoluer. Trop souvent, les marchés générés par l’APD bénéficient à des entreprises étrangères : une étude récente montre que plus de 65 % des contrats de l’AFD entre 2015 et 2019 ont été attribués à des firmes françaises. Ce constat pose la question de l’appropriation locale, de la transparence des marchés publics et du développement d’un tissu économique national capable de répondre à ces appels d’offres.

En parallèle, la gouvernance de l’aide reste marquée par une faible implication des communautés. Les projets sont conçus loin du terrain, dans un cadre institutionnel verrouillé, où les élites locales jouent parfois un rôle ambigu, entre complicité et évitement des réformes.

Construire une souveraineté coopérative

Ce que nous appelons de nos vœux, c’est un tournant stratégique. Pour cela, plusieurs pistes concrètes doivent être envisagées :
– Mieux associer les populations concernées à la définition et à l’évaluation des projets ;
– Encourager la transformation locale des ressources, plutôt que leur simple extraction ;
– Créer un fonds souverain national, transparent, au service d’une vision de long terme ;
– Renforcer les capacités des entreprises et collectivités locales à capter les retombées de l’APD.

Ce n’est pas d’une rupture avec les bailleurs dont il est question, mais d’un rééquilibrage. Un passage d’une logique de transfert à une logique de partenariat véritable. Le succès de l’aide au XXIe siècle dépendra de sa capacité à renforcer la résilience des sociétés, plutôt qu’à perpétuer leur dépendance.

Un avenir pour notre jeunesse

A l’heure où Madagascar attire à nouveau les convoitises grâce à ses minerais stratégiques, il est vital que ces richesses ne deviennent pas, demain, le miroir brisé d’un développement manqué. La comparaison avec l’archipel de Nauru n’est pas une exagération : c’est une alerte.

Il est encore temps de faire les bons choix. Madagascar n’a pas besoin de sauveurs. Elle a besoin d’alliés lucides, capables d’accompagner une ambition de souveraineté, d’inclusion et de durabilité. La coopération internationale a un rôle à jouer. A condition qu’elle se réinvente avec les pays qu’elle soutient.

Notre organisation peut jouer un rôle-clé de relais stratégique entre vision citoyenne, gouvernance locale, et bailleurs internationaux en recherche de nouveau modèle. Preuve s’il en est à notre échelle, le projet que nous portons, A/rivo 2050, qui comprend :

Une proposition de valeur, une promotion argumentaire de notre projet A/rivo 2050

Un Schéma Directeur d’Aménagement et de Développement de la Commune Urbaine d’Antananarivo (SDADCUA), une démarche de planification urbaine intégrée et participative, fruit d’un travail collaboratif et rigoureux, qui identifie les blocages structurels (fragmentation, opacité, centralisation) entravant l’efficacité des projets financés par les bailleurs

Sources : https://mondafrique.com/libre-opinion/limpasse-de-laide-au-developpement-des-pays-riches/