L’excuse israélienne des intempéries et des inondations pour retarder l’invasion de Gaza qui n’en est pas vraiment une, tombe cependant à point. Même si depuis le début des affrontements on dénombre plus d’un million de déplacés, la majorité de la population du Nord de Gaza n’a pas quitté ses maisons pour ne pas répéter la Nakba de 1948. Une opération terrestre de Tsahal serait syonyme d’un bain de sang
Un article de Malek Elkhoury.
Seule une zone frontalière d’environ 1km à 1.5km se vide. De toute façon où aller ? Ils ne peuvent aller nulle part, les frontières de l’Egypte étant fermées. Tous les pays arabes visités par M. Blinken (Egypte, Qatar, Jordanie, Bahrein, Arabie Saoudite, UAE, entre autres) refusent le départ des Palestiniens de Gaza et réclament un couloir humanitaire pour approvisionner Gaza en produits manquants (essence, nourriture, médicaments, eau, etc.).
La crainte de nouveaux massacres s’ajoutant aux précédents, la crainte de combats de rues meurtriers avec les combattants palestiniens ou même la résistance populaire dépassant les frontières partisanes sont des éléments plus crédibles pour repousser, voire annuler définitivement cette nouvelle invasion.
Les Puissances étrangères ont aussi dû jouer un rôle essentiel dans la décision de reporter l’invasion ne pouvant garantir l’issue souhaitée et affichée par Israël, celle d’éradiquer Hamas. Biden, lui-même, vient de faire une déclaration dans ce sens, confirmant la difficulté pour Israël d’atteindre son objectif et considère l’invasion comme une « faute grave ». Ce n’est pas la première fois qu’Israël mentionne le souhait d’éliminer définitivement d’abord l’OLP, ensuite le Hamas et le Jihad Islamique, etc. mais n’a jamais réussi, malgré toutes les tentatives, y compris les « attentats ciblés ». Au contraire à chaque fois cela a, au contraire, abouti à leur renforcement.
Le soutien international impressionnant des populations civiles montre le décalage entre les opinions des citoyens et celles de leurs dirigeants. Des opinions qui commencent à peser sur les gouvernements de ces pays. Ceux-ci ne pourront plus continuer à aider un Israël qui dépasse tellement les limites des Droits Humains. Les déclarations des dirigeants européens sont de ce fait devenues plus nuancées. Tout en continuant à soutenir le droit d’Israël à l’autodéfense, les occidentaux réclament l’application des lois de la guerre, avec des considérations humanitaires.
De plus, une incursion terrestre dans le territoire de Gaza, qui déstabiliserait Hamas, pourrait impliquer l’ouverture d’un autre front, à la frontière libanaise. Cela changerait sensiblement la donne, car, en principe, les capacités militaires de Hezbollah sont supposées être largement supérieures à celles de Hamas.
Si cela venait à arriver, comment se comporterait le reste de la région ? S’enflammerait-elle aussi (Syrie, Cisjordanie, Yémen, Irak) ? Dans ce cas, on se dirigerait vers une guerre régionale aux conséquences inconnues et imprévisibles. Qui souhaite cela ? Personne, surtout pas un Biden en campagne présidentielle. Et encore moins une Amérique qui cherche à se retirer des zones de conflits. Ce ne sont pas les 2000 soldats américains mobilisés en mer qui vont se battre. Il n’est même pas sûr qu’Israël seul pourrait y faire face, même avec le soutien de tous les pays occidentaux. Comment réagiraient d’autres pays, comme la Russie, l’OTAN, l’Iran ou la Chine ?
Pour toutes ces raisons, je pense qu’il n’y aura pas d’invasion terrestre israélienne de grande envergure. Cependant une zone tampon de 1 à 2km de profondeur dans le Nord de Gaza, vidée de ses habitants pourrait être constituée. On voit actuellement les destructions massives de toutes les infrastructures dans cette zone. Rien n’est épargné. Ecoles, hôpitaux (même avec ses malades), immeubles, maisons, Rien ne reste debout. Seuls les décombres et les morts jonchent le sol. C’est dans cette zone que des combats acharnés pourraient avoir lieu. Mais Israël restera loin de son objectif affiché – je le répète – d’éradiquer Hamas. Un objectif que les USA réclament aussi, mais pas au même prix que les israéliens.
Dans ce cas, cela voudrait dire qu’Israël aura perdu une bataille psychologique importante, pour ne pas dire perdre la face et subir une humiliation, même s’il gagne militairement la bataille, ce qui paraît évident, vu la force colossale de frappe de l’armée israélienne. Va-t-on laisser faire ? Comment évoluera la situation militaire ? Que vient faire Biden dans la région ? Pourquoi M. Blinken, ministre des Affaires Etrangères américain, campe-t-il dans cette région depuis une semaine et se déplace d’une ville à une autre ? Pour négocier ou convaincre du droit à l’autodéfense ? Qu’est venu faire le ministre de la défense américain dans la région ? Canaliser la bataille ou soutenir sans limites le gouvernement israélien ? Pourquoi Blinken assiste-t-il aux réunions du Conseil de guerre israélien (le gouvernement restreint d’urgence) ? Pour s’assurer des limites fixées à Israël ou pour diriger la bataille ?
Protéger Israël, on le sait, mais peut-être aussi l’empêcher de commettre des folies. Nous l’espérons du moins. Cela n’a pas l’air d’être le cas jusqu’à maintenant au vu des immenses dégâts causés dans la population palestinienne. En tous cas leur présence laisse penser que les USA sentent que leur 52ème état est en grave danger.
Pour le moment, ce sont les populations civiles qui paient les pots cassés et le prix le plus élevé, comme d’habitude. Avec une nuance. Cette fois-ci, les israéliens souffrent plus que les précédentes guerres et pourront – peut-être – devenir solidaires des populations arabes contre leurs dirigeants respectifs qui ont des intérêts supérieurs et agissent sans scrupules tout en considérant que les sacrifices humains « valent la peine ».
Une haine augmentée ou une solidarité des populations par le malheur ? Espérons la seconde possibilité.