Le déplacement à hauts risques politiques d’Emmanuel Macron dans un Mali qui semble s’éloigner de la sphère d’influence française, révélé par Jeune Afique, ne peut s’expliquer par les enjeux de la campagne présidentielle en France.
Les modalités du voyage d’Emmanuel Macron au Mali sont une première. Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le président français ne se déplaçait guère pour aller voir un chef d’état africain à l’exception du voyage effectué voici quelques années pour rendre visite au président burkibnabé. Emmanuel Macron avait plutôt l’habitude de convoquer les présidents africains à une de ces grand messes dont il a le secret. Or l’annonce totalement imprévisible qu’il fait aujourd’hui d’un déplacement à Bamako le 20 décembre, officiellement pour partager un diner de Noel avec les militaires français mais en fait pour rencontrer le président Assimi Goïta, est une véritable surprise.
Le fait du prince
Les relations entre les deux chefs d’état ne sont pas bonnes; Il y a deux semaines encore, le patron de la junte militaire ne prenait plus Emmanuel Macron au téléphone. Première raison de cet éloignement, le président français avait dénoncé le renvoi du Premier ministre et du Président maliens acquis à une alliance avec la France dans ce qu’on a appelé « le deuxième coup d’état » survenu au Mali. Ensuite l’annonce par le président français au printemps dernier d’un retrait partiel de la force Barkhane s’était fait sans aucune consultation de ses partenaires africains, ce qui n’avait guère plu à Bamako.
On peut s’interroger sur la cohérence diplomatique de la démarche du président français. Après avoir tout fait pour que les militaires maliens quittent le pouvoir, Emmanuel Macron, en se déplaçant à Bamako, donne l’impression de les conforter. Et cela juste à un moment où les militaires au pouvoir qui emprisonnent leurs opposants et, d’après le Monde, organisent des prisons secrètes, essuient de nombreuses critiques.
Le « candidat » Macron en campagne !
Pourquoi alors ce voyage? Officiellement, il serait question lors de la rencontre envisagée entre les présidents français et malien de deux dossiers: en premier lieu, la nécessité de mettre fin à la transition militaire actuelle et celle d’organiser des élections; en second lieu, l’opposition totale de la France à la présence militaire russe au Mali alors que la société privée Wagner, proche de Vladimir Poutine, aurait envoyé un certain nombre de mercenaires à Bamako d’origine serbe, croate ou libyenne. Et cela, pour l’instant, de la façon la plus discrète par souci de ne pas provoquer les Français.
Il s’agit clairement pour le président Macron de retarder l’arrivée de cette soldatesque russe à Bamako, du moins jusqu’au terme de la campagne de présidentielle française. Des images de sécuritaires maliens et russes au coeur de ce Mali où la France, à grands frais, a envoyé des milliers de soldats depuis 201, serait désastreuse pour la France et notamment pour l’actuel chef de l’État français. Lequel veut donner l’impression, face à ses concurrents, qu’il maitrise encore parfaitement la situation malienne, alors que tout à l’évidence indique le contraire.
Emmanuel Macron tente un coup de poker, comme il aime souvent le faire dans le domaine international. Il n’est pas certain qu’il remporte la mise, tant un sentiment anti français tenace s’est développé en Afrique francophone. Une opinion publique malienne très remontée pourrait bien manifester son hostilité grandissante durant ce voyage impromptu du candidat Macron.
Sans parler de scénarios plus dramatiques dans un pays où les groupes armés font en partie la loi et où un otage français, le journaliste français Olivier Dubois (voir l’article ci dessous) , est encore maintenu en détention par les djihadistes.
Le journaliste Olivier Dubois otage au Mali: un coup dur pour l’Élysée
L’enquête du Monde sur les prisons secrètes au Mali