Les récents développements géopolitiques au sein du groupe des Cinq à propos de l’élection d’un président de la République du Liban, et d’abord de son urgence, sont une occasion de réfléchir au chéhabisme, du nom de l’ancien chef de l’État libanais, Fouad Chéhab (1958-1970) , porteur d’un vision politique nationaliste et d’un style de gouvernement.
Une chronique de Paul Guiot, chroniqueur au site « Ici Beyrouth »
La difficulté de cette question réside dans le fait que, contrairement à d’autres grands chefs d’État tels que Nasser ou de Gaulle, Fouad Chéhab et ses partisans n’ont pas créé de parti basé sur les principes posés durant son mandat, lesquels soutenaient les réformes de l’État entreprises de 1958 à 1970.
La récente rencontre à Riyad entre Nizar Alaoula, conseiller au sein du Cabinet royal saoudien et chargé du dossier libanais, l’ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban, Walid Boukhari, et le représentant personnel du président français pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, semble avoir débouché sur un accord entre les Cinq, avec deux points cruciaux: fixer une « date limite » pour l’élection présidentielle et envisager une « troisième voie »(…).
Une vision gaullienne
Cette « troisième voie » était celle que Fouad Chéhab avait tracée pour le Liban. Dans la lignée de ce que faisait de Gaulle en France, il voulait instaurer un État à l’équilibre entre la social-démocratie et le libéralisme. Il tenait pour fondamentaux les principes suivants: protection de l’indépendance et de la souveraineté libanaise; fraternité et solidarité avec les pays arabes; ouverture à l’Occident; unité nationale; justice sociale. Or, ainsi que Bassem el-Jisr l’exprimait en 1998, ce sont précisément ces principes de la philosophie chéhabiste sur lesquels il faut calibrer les réformes nécessaires au pays.
Le néo-chéhabisme, dans le contexte actuel, pourrait donc être interprété comme une volonté de revenir aux bases posées par Chéhab: un État fort, des institutions solides et une vision nationale qui transcende les clivages communautaires. À l’approche espérée de l’élection présidentielle, il est crucial que les candidats et le peuple libanais s’inspirent de cette philosophie pour sortir le pays de l’impasse. Une question demeure toutefois: qui, parmi les candidats, est le mieux placé pour incarner cette vision?