L’ex président Aziz tente de justifier sa fortune par l’argent de l’étranger

Après avoir épuisé l’argument de l’article 93, pour tenter de se sanctuariser et d’échapper à la justice ordinaire, l’ex chef de l’Etat, Mohamed Ould Abd El Aziz, adopte sa seconde ligne de défense, qui est de dire que sa fortune provient du don d’un chef d’Etat étranger.

Mohamed El Mounir

Cette nouvelle ligne de défense était très attendue. Elle est aussi mauvaise que celle qui a consisté à se barricader derrière l’article 93, qui, comme on le sait tous, ne s’oppose pas à des poursuites pour des actes détachables de la fonction qui sont accomplis à titre privé. Et la Constitution n’a jamais eu pour finalité de protéger à titre personnel un président de la République, pour des actes de corruption, de trafic d’influence ou d’enrichissement sans cause.

Il faut dire que l’ex chef de l’Etat faisait déjà circuler la rumeur que plus de 50 millions de dollars lui auraient été offerts généreusement par un chef d’Etat arabe. Toutefois, ce don, quand bien même il serait avéré, n’explique pas toute la fortune saisie et enregistrée, et qui serait de plus de 47 milliards d’ouguiyas, soit plus du double du fameux don. Sans parler des placements et des investissements à l’étranger, dont on connaît peu de choses. Sans parler aussi de toutes les acquisitions foncières et immobilières, (stade olympique et école de police, pour ne citer que ceux-là), obtenues vraisemblablement grâce à des marchés publics truqués.

Jusqu’ici, l’ancien chef de l’Etat pouvait plastronner et endosser le beau rôle, en cherchant à politiser son dossier, parce que les débats portaient sur les questions préliminaires de procédure et de forme. Là, le procès va prendre une autre tournure, en abordant les détails des accusations. Les faits concrets, rien que les faits. Ce qui va être très gênant pour l’ancien de l’Etat qui va se retrouver sur la défensive. Il doit en effet sortir de sa position comminatoire, pour s’expliquer et, surtout, répondre aux témoignages accablants de ses anciens ministres et collaborateurs, qu’ils soient ceux écartés du dossier ou ceux qui sont avec lui dans le box des accusés, qui vont certainement pointer du doigt sa responsabilité directe dans les ordres qu’il aurait donné, pour l’attribution de marchés publics à plusieurs de ses proches ? Enfin, il devrait aussi justifier l’origine de la fortune météorique de ses proches et de ses principaux collaborateurs. Est-ce le même mécène étranger qui les aurait arrosé aussi, à coup de millions de dollars ?

Pour le reste, les cadeaux et dons de gouvernements étrangers attribués à un chef d’Etat sont considérés soit comme de la corruption soit comme du détournement de deniers publics. Dans les deux cas, ils sont considérés comme des dons au peuple, donc à l’Etat lui-même. Ils devraient à ce titre être comptabilisés dans les comptes publics.

C’est d’ailleurs l’habitude en Mauritanie. Quand Moctar Ould Daddah revenait de missions à l’étranger, il prenait soin de convoquer le directeur du trésor public, pour lui faire état de tout ce qu’il avait reçu durant le voyage, en lui remettant les sommes d’argent et même les bijoux. Mariem Daddah, qui vient de nous quitter, الله يرحمها, avait reçu instruction de la part de son mari de remettre les bijoux qu’elle recevait lors de voyages officiels.

C’était donc devenue une tradition en Mauritanie, traduisant ainsi la pratique dans tous les autres pays, y compris dans les régimes démocratiques et même dans les organisations internationales, comme les Nations-Unies. Aux États Unis et en France, c’est systématique. Les cadeaux sont considérés comme personnels, si leur valeur est inférieure à cent dollars. Au-delà, c’est l’obligation de reporter et de remettre les cadeaux obtenus. C’est en ce sens que Moctar Ould Daddah avait avait reçu, à l’époque, un avion en cadeau personnel qu’il s’est empressé de le faire réceptionner par la compagnie aérienne nationale, afin de l’intégrer dans le patrimoine de l’entreprise.

Mais, pour Mohamed Ould Abd El Aziz, sur conseil de ses avocats, accréditer l’idée que l’origine de sa fortune provenait d’un chef d’Etat étranger est un moindre mal que si elle provenait de l’argent du peuple. L’objectif étant de semer le doute au niveau de l’opinion publique, là où se situe, à leurs yeux, l’enjeu politique de ce procès