M. le Président de la République,
Les 25 mars et 15 avril derniers, plusieurs de nos amis, membres de la campagne « Tournons la page » au Niger, ont été arrêtés pour avoir critiqué la nouvelle loi des finances que votre gouvernement vient de promulguer. Depuis lors, ils sont détenus hors de Niamey où résident leurs familles et leurs avocats pour « manifestation illégale » et « destruction de biens publics ». Parmi eux figurent les principales personnalités de la société civile, qui, faut-il le rappeler, ont combattu à vos côtés la dictature de Mahamadou Tandja. Ce sont eux qui ont permis, par leur mobilisation sans faille et la croyance chevillée au corps d’un Niger prospère et démocratique, que des élections libres et transparentes vous portent à la Présidence en 2011.
M. Issoufou, nous sommes au regret de vous dire, que vous avez tué cet élan positif. En tant qu’observateurs de la vie démocratique sur le continent, nous avons vu votre pays s’éloigner progressivement des standards démocratiques. L’élection de 2015 a matérialisé le basculement de votre présidence vers un régime autoritaire. En solidarité et en empathie avec nos collègues nigériens, nous en sommes désolés.
Face à l’arbitraire qui s’abat sur la société civile, nous nous remémorons la clairvoyance de nos amis lors de leur demande d’adhésion à Tournons la page en 2016. Nous étions dubitatifs lors de leur description de la situation dans votre pays : musèlement de la presse, fraude électorale importante, affaires de corruption et pression constante sur les voix dissidentes. Ces méthodes nous rappelaient celles des dirigeants d’Afrique centrale mais ne collaient pas à l’image que nous nous faisions du Niger. Désormais, c’est dans votre pays que les membres de notre mouvement subissent la répression la plus féroce. C’est dans votre pays que nous avons répertorié 40 cas de corruption en quelques années.
M. Le Président de la République, la criminalisation des mouvements sociaux nous rappelle les méthodes employées par nos dirigeants d’Afrique centrale qui condamnent nos pays au mal-développement. Mais nous croyons qu’il est encore temps de vous éloigner de ce chemin et de faire tout votre possible pour conduire le Niger vers la paix et la prospérité dans les trois ans de mandat qu’il vous reste à effectuer.
Libérez les leaders de la société civile, ouvrez un dialogue sur la fiscalité comme socle d’une société juste au Niger et retrouvez le chemin de la démocratie. C’est votre trace dans l’histoire du continent qui est en jeu mais c’est aussi le futur de 20 millions de Nigériens qui se joue.
Signataires :
Janvier BIGIRIMANA, Tournons la page Burundi
Jean-Marc BIKOKO, Tournons la page Cameroun
Marc ONA ESSANGUI, Tournons la page Gabon
Jean-Chrysostome KIJANA, Tournons la page RDC
Brice MACKOSSO, Tournons la page Congo
Jacques SAHAM NGARASSAL, Tournons la page Tchad