
Comme chaque année, la plate-forme suédoise Safeture dresse pour 2025 la liste des pays dits « dangereux » en s’appuyant sur des critères tels que le niveau de sécurité, les risques sanitaires, l’environnement ainsi que les soins médicaux. Dans ce texte que Mondafrique publique sous forme de Libre Opinion, Mauro Armanino, missionnaire de la Société des Missions Africaines (SMA) qui vit et travaille à Niamey, au Niger, estime que les critères ainsi définis ne traduisent pas forcément la complexité de notre monde. En effet, souligne-t-il, il y a des pays qui en apparence sont tranquilles, mais qui cachent dans la réalité des problèmes plus dangereux que les critères retenus par la plateforme suédoise.
Par Mauro Armanino
Quelles sont les frontières les plus dangereuses à franchir ? Safeture, une plateforme suédoise dont la mission est d’alerter les touristes sur les risques éventuels liés à leur voyage, a dressé sa liste annuelle des pays les plus dangereux en 2025. La carte comporte cinq niveaux de danger distincts, allant du risque « limité » pour les pays les plus sûrs au « risque critique » pour les pays à éviter.
Les critères prennent en compte le niveau de sécurité, la criminalité, les risques sanitaires, l’environnement et la qualité des soins médicaux. La destination la plus déconseillée, pour Safeture, est le Burkina Faso.
Vient ensuite la République centrafricaine, notamment en raison de la présence du groupe Wagner. Le Liban est à éviter, tout comme le Myanmar, le Niger, les territoires palestiniens, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen. D’autres pays, hors liste mais mentionnés, sont l’Iran, l’Ukraine et le Mali.
Le Sahel destination peu prisée des touristes
En fait, le Niger, pays où je vis depuis 14 ans, n’est plus une destination touristique populaire malgré les paysages qu’offre le désert. Certes, la situation sécuritaire s’est dégradée depuis l’enlèvement de mon ami Pierluigi Maccalli en 2018. A juste titre, il semble que faire du tourisme dans cette zone du Sahel, c’est défier le bon sens.
La plateforme susmentionnée omet, pour des raisons évidentes, le pays absolument le plus dangereux pour les touristes, les voyageurs, les explorateurs et les curieux. Les paramètres utilisés pour les autres pays n’y sont que partiellement applicables. Ce pays ne figure pas sur les cartes géopolitiques destinées au grand public, notamment parce qu’il n’a pas, à ce jour, de frontières bien définies.
Au contraire, il a des frontières « poreuses » déterminées par la classe sociale et surtout par un capital financier potentiellement incalculable. Mis bout à bout, les revenus de certains citoyens de ce pays valent autant que ce dont peuvent se vanter une centaine de pays.
Le pays n’a pas de nom, tout comme l’homme riche à la porte du palais duquel le pauvre Lazare a été placé dans la parabole bien connue de l’évangile de Luc. Les pauvres ont un nom, mais pas ce pays. Il n’a pas de nom, mais ceux qui l’inventent ont un nom et il est bien connu. Ils n’ont pas de terre spécifique à laquelle se lier.
Ils n’activent que les intérêts, les banques, les agences de notation, la spéculation financière et l’exploitation éhontée des travailleurs dans les industries ou les commerces. Le profit et la multiplication illimitée de leur capital sont leur passeport.
La loi qui régit et gouverne le pays est celle de l’exclusion de la partie du monde considérée comme inutile, superflue et, souvent, délétère. Toute réalité jugée « vulnérable » et constituant un obstacle à la bonne marche de leur système de dépossession et d’exploitation globale sera éliminée, avec de bonnes et surtout de mauvaises manières.
En fait, le pays a à ses côtés une sorte de police également mondiale dont le mandat est de faire taire les voix dissidentes ou celles qui critiquent leur système. Les citoyens de ce pays sont notoirement très religieux et offrent des sacrifices quotidiens à leur dieu argent.
Il s’agit donc, en quelques mots, du pays le plus indigne de confiance, le moins mentionné et le plus craint, mais en réalité le seul qui devrait être boycotté. Malheureusement, le piège fonctionne toujours. Artistes, intellectuels, entrepreneurs politiques et religieux se laissent flatter par les vaines promesses d’un monde à l’image et à la ressemblance de ce pays à craindre. Mieux encore, en conclusion, sont nos pays de sable, de vent et de poussière. Riches de contradictions et de leur propre pauvreté. Dangereux pour les touristes mais toujours et malgré tout humains.