Plusieurs chercheurs et historiens algériens ont adressé une lettre au président de la République pour réclamer l’ouverture des fonds d’archives et mettre fin à une situation qu’ils jugent « ubuesque », selon les mots de l’initiateur de la lettre, l’éminent historien Mohamed El Korso.
Amel Blidi, publié par El Watan le 25 mars 2021 Source
Mohamed El Korso affirme que les historiens algériens en sont réduits à faire les « scribes », du fait qu’il leur est interdit d’introduire un téléphone, un ordinateur ou tout autre appareil.
« Malgré nos nombreux appels et protestations à travers les médias nationaux, nous n’arrivons toujours pas à accéder aux fonds d’archives, pourtant légalement communicables, particulièrement ceux portant sur le mouvement national et la Révolution algérienne », écrivent-ils, en réclamant l’application de la loi régissant les Archives nationales, à savoir la loi 88-09 du 26 janvier 1988, « sans qu’interfèrent des interprétations personnelles qui vont à l’encontre de l’esprit même des archives qui sont un patrimoine de la nation, de mettre fin à toutes les entraves bureaucratiques qui viennent à bout des chercheurs les plus opiniâtres ».
Ils revendiquent le droit d’accéder au contenu des dossiers communicables en lieu et place des feuillets communiqués un à un aux chercheurs ainsi que « le droit de reproduire les fonds communicables sous quelque forme que ce soit, comme cela a cours dans les différents centres d’archives à travers le monde ».
Mohamed El Korso affirme, à ce propos, que les historiens algériens en sont réduits à faire les « scribes », du fait qu’il leur est interdit d’introduire un téléphone, un ordinateur ou tout autre appareil. « Nous sommes contraints de prendre des notes au stylo, exactement comme nous le faisions à Aix-en-Provence dans les années 1978 et 1979 », commente El Korso.
Pour lui, « il est inconcevable de demander l’ouverture des archives en France, et de ne pouvoir les consulter convenablement en Algérie ». « Il y a pourtant, dit-il, une loi qui réglemente la communication d’archives en Algérie. » « La direction des Archives nationales s’abrite derrière la protection des secrets de l’Etat. De quels secrets de l’Etat s’agit-il, sachant que les faits remontent à plus de 60 ans ? Il y a là des documents qui se rapportent à notre histoire, au GPRA, à la Fédération de France, etc. », soutient-il, en évoquant la récente déclassification de quelques archives liées à la Guerre de Libération nationale décidée par le président français.
El Korso se dit doublement gêné du fait qu’il fait partie du Conseil scientifique. « En tant que membre, je peux affirmer que je n’ai été convoqué à aucune réunion », glisse-t-il néanmoins. Les chercheurs, qui se disent aujourd’hui « privés de leurs archives », craignent de se voir distanciés par leurs homologues français dans l’écriture de leur propre histoire.
« Nous serons contraints à réécrire ce que les historiens français auront découvert bien avant nous, car ils auront eu la primeur des documents, regrette El Korso. Nous serons ainsi mis, de fait, dans une situation de ‘‘suivistes’’. »