Le scénario de sortie de crise décidé par l’Etat major devrait débuter par une phase de « dialogue national » qui prendra la forme d’une vaste conférence le samedi 6 juillet à Alger.
L’armée algérienne souhaite, dans un contexte mouvant, mener une guerre éclair, mettre en place une transition courte et favoriser pour la prochaine présidentielle un candidat d’expérience et de confiance. L’exercice est rendu difficile par la désertification du paysage politique algérien ces vingt dernières années.
Dans l’espace public tel qu’il fut régenté par l’ancien président, Abdelaziz Bouteflika, aucun profil d’homme (ou de femme) d’état n’a pu véritablement émerger. Seuls les médiocres étaient nommés et les courtisans promus.
L’ex DRS, voici l’ennemi
Le chef d’état major, Gaïd Salah, sans lequel aucune solution n’est viable en Algérie, cherche à éviter l’ouverture d’une brèche où pourraient s’engouffrer ses adversaires irréductibles. A savoir les réseaux de l’ex DRS du général Toufik, certes emprisonné, mais dont la capacité de nuisance reste considérable.
Maitre des horloges pendant un quart de siècle, l’ancien patron de la police politique algérienne a croisé le parcours de la plupart des « décideurs » algériens, aussi bien dans l’armée que dans le monde politique. Ce Talleyrant algérien a favorisé bien des carrières et bien des arrangements que la morale publique réprouve. Beaucoup de dirigeants algériens sont redevables au général Toufik, notamment au sein d’élites francophones et citadines qui restent la loupe déformante à travers laquelle la France officielle regarde l’Algérie.
Ali Benflis sur orbite
Pour Gaïd Salah et ses amis, le futur candidat aux élections présidentielles doit être déconnecté du système DRS, indemne des largesses du clan Bouteflika et suffisamment légitimiste par rapport à l’armée. Ce qui en fait un oiseau rare. D’autant plus que qu’au sommet d’une hiérarchie militaire structurellement collégiale, les sensibilités historiques et les fidélités régionalistes sont souvent antagonistes.
Après avoir hésité pendant quelques semaines entre plusieurs anciens Premiers ministres, dont notamment Hamrouche, Benbitour et Benflis, il semble que les militaires au pouvoir se soient mis d’accord sur la candidature de ce dernier. Deux fois candidat aux élections présidentielles de 2004 et 2014, Ali Benflis a le profil d’un homme d’expérience. Très médiatisé à Paris et en bons termes avec les Américains, cet homme du sérail n’a pas cessé d’appeler au compromis avec l’armée.
Du neuf avec de l’ancien
Le principal obstacle pour Ali Benflis, très proche de l’ancien DRS lors de ses deux campagnes électorales, sera de recevoir l’onction populaire. Ce qui n’est pas joué lorsqu’on sait à quel point le « dégagisme » fait recette chez ces millions de manifestants qui arpentent les rues algériennes chaque vendredi au nom d’une démocratie sans concessions.
Par ailleurs, une coalition constituée par les partis de l’opposition kabyle, type FFS ou RCD, s’oppose au scénario mis au point par l’armée. Ces mouvements historiques, ou du moins ce qu’il en reste après le règne Bouteflika, appellent à une « négociation » avec l’actuel pouvoir militaire. Ce dont Gaïd Salah ne veut à aucun prix, trop méfiant qu’il est des risques d’infiltration de la mouvance berbériste par les réseaux du général Toufik.
Le paradoxe algérien, le voici: ce vendredi 5 juillet, jour anniversaire de l’indépendance, les manifestations de rue pourraient être plus massives que jamais. Mais l’absence de vrai leadership né de ces mobilisations populaires continue à peser sur le processus démocratique algérien.