Leïla aux doigts de fée

Leila Manchari s’en est allée, emportant avec elle sa créativité et son talent. Un hommage de Jack Lang, président de l’Institut du Monde Arabe

Lyrique décoratrice, elle transformait en or tout ce qu’elle touchait. Étoffes, tissus, meubles et accessoires étaient sa matière première. Élégante magicienne aux doigts de fée, elle avait un goût incomparable. 

Pendant plus de 40 ans, s’inspirant de ses souvenirs d’enfance en Tunisie, elle composera les légendaires et iconiques vitrines pour la maison Hermès et imprimera à tout jamais les mises en scène de cette grande maison. Pour les designers et les décorateurs du monde entier, elle représentait une divine Pythie dictant les couleurs, les modes et les tendances. À l’Institut du monde arabe, une mémorable rétrospective lui avait été consacrée en 2010. Leïla Menchari avait tenu, elle-même, à organiser cette sublime exposition.

Un oeil sur tout

Exigeante et gardant un œil sur tout, elle avait créé des décors, véritables petits théâtres où elle avait exigé de mettre en avant le savoir-faire d’artisans et d’artistes de la Méditerranée. Mosaïste, dinandier, tailleurs de pierre, nattier, tous ceux qui inspirèrent son travail étaient là. En femme généreuse, elle souhaitait leur rendre hommage et redonner leurs lettres de noblesse.Avant tout le monde, elle aura su affirmer l’importance, la préciosité et la grâce des métiers d’art, cet art si noble de la main.


Avec son meilleur ami, son âme sœur, le si regretté Azzedine Alaïa, nous avions l’habitude de nous retrouver. Chaque rencontre avec Leïla et Azzedine était un voyage unique et inoubliable au pays du raffinement et de la beauté.
La « Reine Mage » décrite par Michel Tournier est partie mais son univers enchanteur et féerique nous transportera toujours et ne cessera de nous faire rêver.