Trump a peut-être l’intention de se retirer dans un flamboiement de « gloire » militaire en attaquant l’Iran avec l’appui des Séoudiens et des Israéliens.
Une chronique d’Abdel Bari Atwan, rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
L’assassinat ce vendredi 28 novembre du physicien nucléaire Mohsen Fakhrizadeh – qui était à la tête de l’Organisation de la recherche et de l’innovation du ministère de la défense – par les services du Mossad israélien renforce les craintes d’une attaque de dernière minute et de grande envergure à l’initiative de Trump, contre l’Iran. Un dernier « cadeau » à l’État sioniste avant départ de la Maison Blanche ?
Alors que Donald Trump semble commencer à accepter l’idée qu’il a perdu l’élection présidentielle, tout le monde se demande ce qu’il compte faire pendant les deux mois qu’il lui reste à la Maison Blanche avant sa date de départ prévue au 20 janvier.
Il est possible qu’il tente de quitter ses fonctions dans une explosion de « gloire » militaire en tant qu’homme fort et décidé, en ordonnant des frappes aériennes et des tirs de missiles dévastateurs contre les installations nucléaires de l’Iran – après avoir rapidement retiré les troupes américaines du Moyen-Orient (en particulier de l’Afghanistan, de l’Irak et de la Syrie) pour éviter qu’elles ne soient la cible de représailles.
L’alarme à propos de cette perspective s’est accrue depuis que Trump a commencé une mini purge du Pentagone la semaine dernière en limogeant le secrétaire à la défense Mark Esper et d’autres fonctionnaires et en les remplaçant par des loyalistes convaincus.
Son refus d’accorder au président élu Joe Biden l’accès aux briefings des services de renseignement a encore alimenté les soupçons. Il pourrait viser à dissimuler les plans et les préparatifs d’un tel assaut pendant que le secrétaire d’État Mike Pompeo les a mis au point lors de son voyage cette semaine en Israël, en Arabie Saoudite, aux EAU et au Qatar.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu – qui pourrait lui aussi être bientôt au chômage – attend désespérément que Trump, avant de quitter son poste, prenne des mesures militaires à la fois contre les installations nucléaires de l’Iran et les stocks de missiles du Hezbollah. Cela rend la chose d’autant plus probable. L’armée israélienne vient de mener des manœuvres militaires de grande envergure le long de la frontière libanaise.
Israël craint que Biden ne renouvelle l’engagement des États-Unis dans l’accord nucléaire iranien et retourne à la politique de l’ère Obama visant à « contenir » l’Iran. Cela conduirait à la levée ou à l’assouplissement de sanctions économiques étouffantes, permettant à l’Iran de reprendre les transactions financières internationales et les ventes de pétrole – ainsi que l’aide à ses alliés paramilitaires au Liban, en Irak, au Yémen et ailleurs.
L’Arabie saoudite est également favorable à une attaque militaire, comme l’a illustré le discours du roi Salman la semaine dernière demandant aux puissances mondiales de prendre une « position décisive » contre la menace nucléaire iranienne. Il est peu probable qu’il aurait lancé un tel appel avant d’en avoir eu l’autorisation de Trump et de ses complices.
Le président sortant peut aussi choisir de laisser sa marque à domicile.
Il pourrait donner le feu vert à ses partisans inconditionnels pour descendre dans la rue en force afin de démontrer l’étendue de sa popularité – polarisant davantage la société américaine, divisant le parti républicain et conduisant à la formation d’un nouveau parti d’extrême droite sous sa direction. Il a encouragé par tweet les milices armées et les groupes suprémacistes blancs qui se sont ralliés dans de nombreuses régions du pays contre le « vol » de son second mandat.
Sinon, Trump pourrait effectivement commencer à faire campagne pour sa réélection en 2024 en créant son propre groupe de média ou en lançant un programme télévisé sur l’un des réseaux existants avec lesquels il a des affinités. Même ses détracteurs admettent qu’il a de nombreux partisans et un talent avéré pour les mobiliser et les soutenir.
Quelle que soit la voie qu’il choisira, M. Trump ne quittera pas son poste en silence pour faire face, une fois qu’il aura perdu son immunité présidentielle, à une éventuelle litanie de poursuites et d’enquêtes pour cause d’évasion fiscale, de fraude et de transactions commerciales douteuses. Sa sortie pourrait être houleuse. Il n’est pas un bon perdant et il n’hésitera pas à faire des ravages pour servir ses objectifs.
Ses quatre années de mandat ont laissé les États-Unis divisés sur le plan intérieur et affaiblis et discrédités sur le plan international.
Il a promis de rendre l’Amérique « great again » mais il a transformé la plupart de ses alliés – à part Israël et quelques États du Golfe et autres – en antagonistes. Il se réjouit de rendre la tâche encore plus difficile pour son successeur de réparer les dégâts qu’il laisse derrière lui.
Si Trump met en place son propre groupe de médias, il ne manquera pas de fonds venant de ses amis du Golfe. Il se peut même qu’il les persuade ou même les fasse chanter pour qu’ils assurent les fonds nécessaires. Trump connaît de nombreux secrets accablants à leur sujet, et il pourrait s’en servir dans cette entreprise. Il acceptera volontiers leur argent pour son silence.
Mais il n’aura pas besoin de faire appel à leur expertise en matière d’utilisation des médias pour répandre des mensonges et des tromperies. Il est déjà un expert reconnu dans ce domaine.
15 novembre 2020 – Raï al-Yaoum