Le pavé dans la mare gabonaise de la Guinée-Équatoriale

Une première! Le vice-président de la Guinée-Équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mangue, demande que le pouvoir gabonais soit remis à Albert Ondo Ossa, l’opposant d’Ali Bongo, alors que ce dernier, fils d’Omar, a été proclamé réélu dans la nuit du 29 au 30 août avant d’être destitué dans la fouée par les militaires.La position guinéenne tranche avec la solidarité frileuse des chefs d’état africains qui, via leurs organisations régionales, défendent les pouvoirs en place et légitiment généralement des scrutins clairement fraudés  

Teodoro Obiang Nguema Mangue, vice-président de la république de Guinée-Équatoriale, dont la réputation avait été ternie dans le dossier des Biens mal acquis, a-t-il été touché par la grâce démocratique?  L’héritier probable du régime guinéen s’est exprimé sur le coup d’Etat qui est survenu au Gabon dans la nuit du 29 au 30 août 2023 et qui a vu la chute d’Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009, au profit du chef de la garde républicaine.;« Le général Brice Oligui Nguema, cousin d’Ali Bongo, doit engager immédiatement une transition et rendre le pouvoir aux civils. C’est la seule manière de respecter le vote du peuple gabonais ».

Du jamais vu en Afrique

Alors que la plupart des États de la région ont dénoncé de façon classique le coup d’Etat, exigé la libération d’Ali Bongo et demandé son retour au pouvoir, la Guinée-Équatoriale a fait cavalier seul en réclamant que c’est l’opposant d’Ali Bongo, Ondo Ossa, pourtant battu d’après les résultats officiels, qui doit devenir le chef de l’état. Certes, la Guinée Équatoriale a réclamé le retour à l’ordre constitutionnel, mais au profit d’Albert Ondo Ossa, qui est effectivement véritable vainqueur des élections au Gabon. Une première en Afrique, les opposants politiques ayant toujours tort! 

Teodoro Obiang Nguema Mangue s’est interrogé sur les motivations réelles des militaires qui ont pris le pouvoir au Gabon : «  Il est clair que les revendications constituent un problème électoral qui serait facilement résolu par un recomptage des voix. Mais pourquoi faut-il dissoudre les institutions et les organes constitutionnels ? Quel est, en réalité, l’objectif de cette intervention militaire ? Les Gabonais ont obtenu le droit de vote avec Albert Ondo comme vainqueur. Pourquoi le coup d’État passe-t-il encore avant les résultats ? L’Occident ne les manipule-t-il pas pour assurer la continuité d’un membre de leur système et empêcher Ondo Ossa d’accéder au pouvoir ».

Et Teodoro Obiang Nguema d’ajouter son compte X ancien Twitter « L’intervention militaire du Gabon semblait être un plan visant à rétablir l’ordre constitutionnel, à garantir le droit de vote des Gabonais et à éviter le bain de sang prévu. Maintenant, il semble que l’essentiel soit de bloquer la victoire d’Ondo Ossa »

« Une Révolution de Palais »

Cette position jamais vue en Afrique (qui plus est de la part d’un Etat voisin) constitue sans doute un appui de poids pour l’opposant Albert Ondo Ossa qui a qualifié le coup d’Etat survenu au Gabon de « révolution de palais ». Albert Ondo Ossasûr de sa victoire a demandé que le processus électoral reprenne. 

Reste à savoir la réponse qu’apporteront les nouvelles autorités de Libreville à cette prise de position inédite que Mondafrique ne peut que saluer.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)