L’image est parlante : Le guide suprême surpris par les mains d’une femme enserrant sa gorge, tout voile dehors. Et force est de constater que depuis huit mois, les femmes iraniennes ne lâchent pas leur emprise
Une chronique de Hamid Enayat
Formidables anticipateurs lorsqu’il s’agit de fomenter une action terroriste sur le territoire européen, de dicter la politique intérieure de la Syrie ou d’élaborer un énième un coup fourré politique, les Mollahs n’ont rien vu venir. Et pour cause. Pour un mollah, les femmes ne sont pas des êtres humains. Elles sont faibles, fragiles, incapables du moindre jugement et, par conséquent, inaptes à lever une révolution…
Pourtant, c’est bien une femme qui serre ses mains sur la gorge du guide suprême. Avec une énergie et une détermination renforcée par la solidarité féminine de tout un pays. Ali Khameneï aura beau augmenter le niveau de perversion et de violence de sa répression, les femmes iraniennes ont passé un cap. Le retour en arrière est désormais impossible. Toute la violence et la haine du monde ne sauraient réfréner les ardeurs et les aspirations légitimes de millions de femmes opprimées depuis trop longtemps.
« Il y a une femme qui chante la liberté, alors que le soleil entre dans sa gorge, la flèche de la calomnie de Khamenei se dirige vers elle dans toutes les directions. »
La sentence du poète repris lors d’un discours récent par Maryam Radjavi, présidente élue du CNRI[i], semble sonner comme une abomination, une injustice terrifiante dont l’image hante nos nuits. Mais il faut aussi imaginer que l’énergie de l’astre lumineux pénétrant le corps de cette femme saura stopper les flèches avant qu’elles n’atteignent leur cible. C’est là la force de l’espoir, de la foi en un monde juste et libre. Et puis, il n’y aura jamais assez de flèches pour briser la voix de toutes les âmes chantant la liberté à gorge déployée.
De toutes leurs forces
Pour briser ce siège, Ali Khameneï ne se contente pas seulement d’une répression sans précédent, car lorsque la peur change de camp, l’emprisonnement et la torture perdent de leur efficacité. Il use alors de la guerre psychologique et des campagnes de mensonges à la Goebbels (ou plutôt Goebbels à la sauce Mollahs). Il hurle à qui veut l’entendre qu’il n’existe aucune opposition, aucune alternative au pouvoir actuel, si ce n’est un ersatz de monarchie. Ce faisant, il tente d’instiller le doute, la peur du changement pour le pire, la résignation et ainsi de faire perdre de leurs forces aux femmes serrant sa gorge.
Totalement conscient de son manque de crédibilité et de légitimité aux yeux de l’opinion publique, le régime a ordonné à ses agents à l’étranger de promouvoir indirectement les vestiges d’une monarchie déchue et détestée afin d’affaiblir la résistance organisée. De nombreux médias, même respectables, tombent dans le jeu du guide suprême iranien, allant jusqu’à donner une importance très surfaite à la thèse du remplacement d’une dictature par une autre… Comme il ya 43 ans. Qu’ils le fassent consciemment ou non importe peu. Le fait est qu’en médiatisant la parole du guide suprême et en éclipsant celle de la résistance organisée, ces médias accrédite la stratégie morbide d’un homme aux abois et diffuse l’idée selon laquelle le peuple d’Iran n’aurait d’autres alternatives que la dictature laïque ou la tyrannie religieuse, en omettant au passage de mettre en valeur le travail incroyable réalisé depuis des décennies par la seule alternative viable politiquement ; le CNRI.
Pas de dictature de remplacement
Les récentes actions de Reza Pahlavi, y compris son voyage en Israël, doivent être considérées dans ce contexte. L’homme, qui ne nie aucunement les contacts réguliers avec les pasdarans[ii] et qui affirme vouloir s’appuyer sur cette force politique et militaire pour stabiliser le pays, fait la tournée des popotes internationales. Y croit-il lui-même ou bien joue-t-il le jeu des mollahs en toute conscience ? Car la réaction spontanée de tous les décideurs, hommes politiques et observateurs de la situation en Iran est que la restauration de la monarchie, déchue et détestée, n’est pas seulement irréaliste, mais impossible.
En effet, le peuple iranien n’a pas la mémoire courte. Non seulement les deux cents dernières années de l’histoire du pays démontrent avec force que la monarchie s’accommode parfaitement de la tyrannie, mais de surcroît, le souvenir d’un vol de 2 à 4 milliards de dollars par la famille Pahlavi au jour de son départ du pays en 1979 reste en travers de la gorge des iraniens. Et si les mollahs ont pu prendre le pouvoir, ils le doivent en grande partie à la répression des partisans de la liberté par la police du Shah. Au lendemain de son départ, le vide politique régnait en maître. Rouhollah Khomeyni a su le remplir, grâce au travail préalable des Moudjahidines du peuple contre le Shah et à la complicité du Shah lui-même et des chancelleries américaines et françaises[iii].
Reza Pahlavi, naïf et cupide
Quoiqu’il en soit, la rumeur du retour du Shah n’enfle que dans les journaux. Du côté diplomatique, la tournée de Reza Pahlavi est un échec retentissant. Après l’Europe, le fils du Shah, dont la légitimité à régner ne provient que du sang qui circule dans ses veines et de son sexe masculin, a pris une nouvelle gifle en terre promise. En affirmant, haut et fort, que son objectif principal et son ambition étaient de devenir le « roi des rois », titre que son père avait honteusement utilisé avant d’être renversé par le peuple iranien, il s’est montré totalement largué, définitivement en décalage profond avec les enjeux politiques et géopolitiques qu’impose la fonction de dirigeant d’un pays tel que l’Iran.
En outre, le voyage en Israël a fourni le meilleur aliment de propagande pour le régime iranien. Israël étant l’ennemi juré des mollahs, si la seule alternative politique crédible (telle que justement présentée par les mollahs et leurs agents médiatiques…) fait ami-ami avec les israéliens, c’est bien la preuve que la résistance est pilotée par les ennemis de la nation pour mieux la piller de toutes ses richesses. Par sa bêtise et sa cupidité, Reza Pahlavi joue le jeu de mollahs qui n’en demandaient pas tant. Mais qui savent parfaitement se servir de la moindre image pour tenter de crédibiliser leur argumentation fallacieuse…
[i] Conseil National de la Résistance Iranienne
[ii] Autre nom donné aux Gardiens de la Révolution Islamique
[iii] En octobre 1978, le Shah demande au président français Valéry-Giscard d’Estaing d’accorder l’asile politique à Rouhollah Khomeyni alors qu’il avait été exilé de Bagdad vers le Koweït. Le 8 janvier 1979, le président français remet à Rouhollah Khomeyni alors en résidence à Neauphle-le-château un message confidentiel émanant du président américain Jimmy Carter, l’appelant à “éviter une révolution en Iran“.