Les Arabes adorent s’insurger contre la moindre décision en faveur d’Israël, tout en se fichant du sort des Palestiniens. Sauf s’ils sont persécutés par des juifs. Une chronique de Nouhad Fathi
Najat Atabou a troqué son caftan contre une tunique façon keffieh, Adil El Miloudi promet une chanson sur la Palestine dans les prochains jours et, hier soir, j’ai entendu du Fayrouz militant dans un bar vide. Sur Facebook, j’ai vu que les marchands de légumes de Souk Larbâa — un de ces coins du Maroc où il y a plus de rien que de quelque chose — condamnent fermement la reconnaissance de Donald Trump de Jérusalem comme de la capitale d’Israël.
Quelqu’un a dit “Israël” ?
Ils frétillent à chaque fois qu’ils entendent les mots “Israël”, ”intifada”, “Al Quds”, “normalisation”, “Netanyahu”, mais l’écrasante majorité de ces gens ne connaît pas les tenants et les aboutissements de ce conflit. Les marchands de légumes de Souk Larbâa ne savent même pas qui est Donald Trump. Bien sûr, ils brandissent le drapeau de la fraternité musulmane pour explication leur intérêt pour ce qui se passe à des milliers de kilomètres de chez eux — car au fond, qu’est ce que ça peut bien nous foutre concrètement, à nous en tant que Marocains ? —, mais on les entend rarement beugler quand ces Palestiniens sont persécutés par leurs frères, les Arabes.
Des frères pires que les cousins
Selon le dernier rapport de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, Les réfugiés palestiniens au Liban sont extrêmement pauvres et sont traités comme des moins que rien. L’Etat libanais leur interdit l’école publique et la pratique de 36 professions libérales. C’est-à-dire qu’un brillant chirurgien palestinien réfugié à Beyrouth n’a d’autres choix que de devenir fermier. Ah ah que dis-je? Même cela lui est interdit. Il ne peut pas non plus devenir pêcheur ou conducteur de bus. Et si vous pensez que les Palestiniens ne sont pas libres de leurs mouvements chez eux à cause des Israéliens, sachez qu’un réfugié palestinien ne peut pas quitter le territoire libanais sans autorisation. Ce document est tellement difficile à obtenir que les Palestiniens se voient contraints de sortir “illégalement”. Au retour, c’est entre une semaine et 3 mois de prison qui les attendent. Je vous passe les conditions d’hébergement dans les camps, l’accès aux soins, le travail des enfants, tout ça, tout ça. Oh, et la situation était bien pire avant 2010.
Antisémitisme salvateur
Cette haine contre les juifs, c’est notre petite consolation à nous les Arabes. On occupe les dernières places de tous les classements des indicateurs de développement, mais on s’en fiche parce qu’Allah nous assure qu’on vaincra ces satanés juifs un jour ou l’autre. Ils peuvent frimer et nous narguer avec leurs universités, leur armée et leur krav maga, mais le jour du jugement nous les tuerons tous jusqu’au dernier et ce sont les arbres et les pierres qui nous y aideront (note aux non-musulmans : ceci n’est pas une blague). Et chaque défaite contre Israël, même symbolique, nous éloigne de cette victoire ultime contre les juifs. Cela n’a rien à voir avec les Palestiniens, ils peuvent crever — littéralement, de faim par exemple, comme c’était le cas en 2013 dans les camps de Yarmouk en Syrie. Ce n’est pas que nous les aimons, c’est que nous détestons les juifs.