L’Adhésion du Gabon au Commonwealth, un amour déçu avec Paris

L’adhésion du Gabon au Commonwealth qui est officialisée ce Vendredi 24 juin 2022 lors de La réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth de 2022 (CHOGM 2022) au Rwanda constitue un tournant dans l’histoire du Gabon mais aussi – et peut être surtout – de ses relations avec la France.

Par la rédaction de Mondafrique 

C’est l’histoire d’un amour déçu entre une dynastie de chefs d’Etat installée à la tête du Gabon par Charles de Gaulle via son très puissant « monsieur Afrique » Jacques Foccart en 1967. Pendant les 42 ans de son règne à la tête du Gabon, Albert Bongo devenu Omar aura bénéficié du soutien, et même de l’amitié des présidents de la République française. Sous son règne, seul Charles De Gaulle n’avait jamais foulé le sol gabonais.

Omar Bongo choyé par Paris

Pendant 42 ans, Omar Bongo a bénéficié d’un traitement particulier des présidents français dont il raffolait. De Pompidou à Sarkozy, tous les présidents avaient honoré de Bongo de leur visite, certains parmi eux entretenaient même avec Bongo des liens très forts comme Valéry Giscard d’Estaing qui – pendant un temps – fut un « ami de Bongo », mais surtout de Jacques Chirac « l’ami de toujours » qui a consigné même cette amitié dans ses mémoires… A ceux-là, il faut ajouter Nicolas Sarkozy qu’« Omar Bongo considérait comme un fils » selon un ancien membre du cabinet d’Omar Bongo.

Lorsqu’Omar Bongo meurt en 2009, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy sont présents aux obsèques de l’ « ami gabonais ». Seul Valéry Giscard d’Estaing ne fera pas le voyage, fidèle à sa réputation de rancunier, il n’avait pas pardonné à Bongo d’avoir soutenu « financièrement Jacques Chirac » en 1981.

Ali Bongo soutenu par Sarkozy

Après un bref intérim de la présidente du Sénat du Gabon, Ali Bongo succède à son père et accède au pouvoir dans des conditions épouvantables au prix (déjà) d’un féroce et sanglante répression. Mais il peut compter sur le soutien de Nicolas Sarkozy, qui reconnaîtra son élection et l’honore de ses visites. Et ce, en dépit du fait que Nicolas Sarkozy ait toujours balayé d’un revers de la main la rumeur (lancée par Robert Bourgi tout de même !) qu’Ali Bongo était le candidat de la France et malgré ses déclarations lors de sa visite en 2010 au Gabon « La France comme le Gabon ont diversifié leurs partenaires (…) il n’existe plus de pré carré et je ne le regrette pas ».

C’est l’arrivée au pouvoir de François Hollande qui va pousser Ali Bongo dans les bras du Commonwealth. Le deuxième président socialiste de la Ve République, élu en 2012 à la tête de la France, n’honore pas Ali Bongo de sa visite au Gabon, une première depuis 1971 ! Pire encore, le 5 juillet 2021, François Hollande refuse de prendre une photo avec Ali Bongo sur le perron de l’Élysée. Pour Ali Bongo, la déception est grande et la crainte certaine « Et si Paris décidait de le lâcher ? » s’inquiète-t-on dans le premier cercle du pouvoir.

Peine de cœur

C’est du Rwanda que vient le salut, parrainé par son ami Paul Kagame qu’il admire tant, Ali Bongo décide d’entrer dans le Commonwealth et de faire de l’anglais la deuxième langue officielle du Gabon fin 2012. Ali Bongo est convaincu qu’il lui faut désormais un nouveau soutien au cas où Paris déciderait de condamner son régime. Le réchauffement des relations entre François Hollande et lui et surtout la non-condamnation de la sanglante répression de l’élection présidentielle de 2016 et de sa frauduleuse élection lui a donné un répit, mais le cœur n’y est plus.

Ali Bongo, chahuté à Paris par des opposants Gabonais un peu trop libres à son goût, « maltraité » dans la presse française qui étrille le train de vie de ses proches, consterné par l’arrestation à Roissy de son directeur de cabinet d’alors, délaisse la capitale française qu’il connaît bien pour Londres où on ne le critique pas.

London is the future

L’arrivée d’Emmanuel Macron avec qui Ali Bongo a tenté – parfois éhontément – de nouer des liens d’amitié, n’a pas permis de revenir « aux relations privilégiées et fraternelles » d’antan. À Libreville, une visite du plus jeune président de la Vème république aurait certainement mis du baume au cœur d’Ali Bongo et des membres de son régime qui sont les héritiers directs (en filiation pour la plupart) de celui installé en 1967 par le pouvoir gaullien.

S’il a apprécié sa réception à l’Élysée le 12 novembre dernier où il a été au sens strict du terme soutenu à bout de bras par EmmanuelMacron, Ali Bongo pense néanmoins – encouragé par ses proches – que seul Londres pourra garantir la pérennité de « la dynastie Bongo » à la tête du Gabon. 

Pour Ali Bongo, pour son régime, pour son clan et bien sûr pour son fils « le prince héritier du royaume du Gabon », London is the future, même si leur cœur est toujours à Paris.