« La guerre intérieure » au sein du pouvoir israélien

En Israël, le pouvoir, le vrai, n’est pas dans le bureau du Premier ministre. Il est dans l’armée et dans la magistrature. Mais cela est en train de changer. L’article est paru sur le site d’Yves Mamou et Mondafrique a eu l’autorisation d’en reprendre des extraits

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Dans l’urgence de lutter contre le Hamas, mais aussi le Hezbollah et l’Iran, Benjamin Netanyahou s’est focalisé sur la guerre et a laissé en gros les dirigeants militaires en place. Mais progressivement, au cours de ces deux années de guerre, le Premier ministre israélien a modifié les organigrammes en profondeur. 

  • En avril 2024, Aharon Haliva, chef des renseignements militaires, a été limogé. Il a reconnu sa responsabilité dans le désastre du 7 octobre.

  • En mai 2024, Yoram Hémo, membre du Conseil national de sécurité, a quitté ses fonctions. Il s’était montré critique sur la gestion de la guerre contre le Hamas.

  • En juin 2024, Netanyahou a dissous le cabinet de guerre après le départ de Benny Gantz et Gaby Eizenkot, deux généraux d’opposition. Leur départ a rendu la structure inutile et surtout lui a laissé les mains libres.

  • En juillet 2024, Yehuda Fuchs, commandant de la région Centre, a quitté ses fonctions. Il était connu pour s’être opposé violemment aux implantations juives en Judée-Samarie.

  • En novembre 2024, le ministre de la Défense Yoav Gallant est limogé. Cet ex-militaire s’était opposé publiquement à Netanyahou au moment de la réforme judiciaire. Puis, après le déclenchement de la guerre contre le Hamas, Gallant, alors ministre de la Défense, s’est fait le porte-parole de l’état-major : il a réclamé un plan pour l’après-guerre (que Netanyahou ne voulait pas donner) et s’est opposé publiquement « à tout contrôle militaire et civil israélien » sur la bande de Gaza. La coupe était pleine : Netanyahou l’a exclu du gouvernement.

  • En mars 2025, Herzi Halévy, chef des armées et opposant notoire à Netanyahou, a quitté ses fonctions. Il a cédé son poste à Eyal Zamir, une militaire moins hostile à Netanyahou.

  • En mars 2025, Eyal Zamir a lui-même mis un terme aux fonctions de Daniel Hagari, porte-parole de l’armée. Ce dernier n’a pas été promu général comme prévu et a même dû quitter l’armée. Daniel Hagari avait déclaré publiquement que le but de guerre de Netanyahou — détruire le Hamas — était « de la poudre aux yeux (…). Le Hamas est une idéologie, nous ne pouvons pas éliminer une idéologie. » Un mois auparavant, le même Hagari avait déclaré qu’« pour éliminer le Hamas, il fallait une alternative ».

  • En mars 2025, Benjamin Netanyahou a fait voter la révocation de Ronen Bar, chef du Shin Bet, des services de renseignement intérieurs. Motif: “manque de confiance”. Ce dernier, opposé à la politique de Netanyahou, portait la responsabilité de n’avoir pas anticipé la guerre déclenchée par le Hamas, le 7 octobre. Mais la Cour suprême a suspendu la décision et interdit au Premier ministre de nommer un successeur. Après des semaines de tension entre l’exécutif et le judiciaire, fin avril, Ronen Bar a annonce sa « démission ».

  • En octobre 2025, Tzachi Hanegbi, chef du Conseil national de sécurité, a été limogé . C’est un proche de Netanyahou qui lui succède.

  • En octobre 2025, il apparaît que le ministre de la Défense, Israël Katz, a retardé les nominations au sein de l’armée. Traditionnellement, Tsahal nomme ses propres chefs. Désormais, le pouvoir politique montre qu’il n’entend pas laisser des coteries et des clans se mettre en place au sein de l’armée.

Il n’est pas interdit de penser que Tsahal a cessé d’être un État dans l’État.