Pour notre chroniqueur Xavier Houzel, la nouvelle confrontation sanglante entre les forces de sécurité israéliennes et les Palestiniens de Gaza et de Jérusalem ont donné un coup d’arrêt à la recomposition qui s’amorçait au Moyen Orient.
Pendant trois quarts de siècle, Israël a défait la nuit ce qu’il faisait le jour sans que son voile s’achevât jamais. Il a éconduit ses prétendants chez lui où les partis s’écharpent comme des chiffonniers et autour de lui où les monarchies sont rendues folles. Le temps passe et la toile s’effiloche.
Créée un 14 mai, la nation israélienne ne cesse depuis de fulminer. C’est aujourd’hui son anniversaire, celui de son empire – les noms de ses grognards figurent sur les jambages d’un arche de lumière formant un festin d’archanges au pied du mont Moriah – mais c’est un empire inachevé.
L’État Hébreu est fragile ; son armée de défense est invaincu. Elle n’a connu qu’un demi échec au Liban. Ce sont des choses qu’on escamote mais qui comptent : Bonaparte en Égypte et Rochambeau devant Dessalines avaient calé ! L’étoile de l’empereur n’avait pâli qu’après la cinquième guerre de coalition contre l’Autriche. Après la terre brûlée et la retraite de Russie, la chance avait tourné ! Mieux vaut ne pas tenter le diable.
Le pays est entouré de nations qu’il a blessées les unes après les autres. Au-delà, mais à portée de tir, l’Iran dispose, avec 85 millions d’habitants, d’une profondeur stratégique comparable à celle de la Russie d’alors ; sa force de combat se classe trois rangs derrière celui de Tsahal, qui figure seulement au 17ème rang mondial.
Il y a certes l’arme atomique, mais son usage est suicidaire pour un pays dont le territoire exigu est ouvert à tous les drones. Aussi est-ce à l’expansion de son univers grâce aux Accords d’alliance d’Abraham et à l’agrandissement de son espace vital que l’État Hébreu s’est attaché. Cela fut rondement mené.
Mais il s’est produit un séisme et les boussoles ont perdu le Nord. Trump est sorti par la petite porte et Biden fait le contraire de ce qui était prévu. La République Islamique d’Iran a changé de pied et les Saoudiens de veste.
Pis, le bouillant MBS se rabiboche avec Damas ; il amorce un flirt avec les Perses. Le vieil Abbas chamboule le reste en annulant les élections qu’il allait perdre. Tout le monde prend le virage. Les tables et les alliances se renversent dans un bruit de vaisselle. L’Accord d’Abraham fait pschitt. C’est le Capharnaüm. Et voilà que l’Ayatollah chiite Al-Sistani et le recteur sunnite de l’Université d’Al-Azhar préparent leurs Accords d’Ibrahim ,de mèche avec le Vatican !
Encerclé, l’empire n’a jamais tenu qu’à force de répliques foudroyantes et de ruses. Bientôt, la torpeur de l’été empêchera les avions de chasse de prendre l’air. Il faut une parade ! Le dieu des Juifs ne peut pas avoir conservé contre Netanyahou de si puissants ressentiments.
Plutôt que de former un gouvernement comme il pourrait le faire et plutôt que de démissionner pour encourir les foudres de la Justice, le Premier ministre a recours à la tactique de la terre brûlée ; celle de Koutouzov, le généralissime de l’armée du Tsar. Il va brûler ses vaisseaux, mais en gardant une barcasse et des troupes à terre.
Les faubourgs de Gaza brûleront comme jadis ceux de Moscou. En un rien de temps, l’esplanade des Mosquées baigne dans le sang et la soldatesque pénètre dans les mosquées, ce qui ne s’est jamais vu. Les bombardes tonnent et les missiles s’échangent. C’est le jour de l’Aïd el Fitr : les Arabes de la rue entreront en religion. Ce sera le Jihâd.
Le monde est pris de peur; les pourparlers sont reportés. Le projet de paix globale croulera-t-il sous les morts et les gravats ? Ce n’est pas un hasard si à Washington, les Républicains ont effectivement demandé la nuit dernière à Joe Biden d’arrêter les négociations[i] en cours avec l’Iran sous prétexte d’un lien entre le pays des Mollahs et les tirs de roquettes du Hamas contre Israël.
[i] https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/2021-05-13/nucleaire-iranien/les-republicains-veulent-la-fin-des-discussions-avec-l-iran.php#
