Celui qui a osé passer par le fond le navire amiral « Moskva »[i] pourrait être celui-là même qui a percé les gazoducs de la Mer Baltique et qui a endommagé le Pont de Crimée ! À savoir possiblement les Américains. Telle est l’hypothèse qu’avance notre chroniqueur Xavier Houzel
Qu’observe-t-on? Il fallait, pour oser percer les gazoducs de la mer Baltique, présenter quelques particularités: l’obsession de la modernité, un besoin d’exceptionnalité et le sens aigu de l’extraterritorialité ; le coupable est furtif ; il a le don d’ubiquité, la manie du secret et un instinct de supériorité qui le singularise en lui donnant un sentiment d’immunité, voire la certitude de son impunité. Les États-Unis d’Amérique correspondent à ce signalement. Eux seuls sont en mesure de faire de telles prouesses (techniques[ii]) sans bavure. Mettons que ce soient eux !
Mais pourquoi, alors, créditer les Ukrainiens de pouvoirs de sorciers que ces derniers n’ont pas ? Pourquoi aller jusqu’à imaginer que les Russes iraient se ridiculiser en s’auto-mutilant – et en faire courir le bruit ? Le rôle de chacun (entre Russes et Ukrainiens) dans la dispute est parfaitement cerné mais la responsabilité du conflit n’est pas nécessairement la leur ! La seule explication que l’on ait de l’autisme de la presse est que celle-ci respecterait une consigne de ne pas incriminer l’OTAN[iii] – ce qui est judicieux.
Cette hypothèse suscite une double interrogation : « Les dirigeants des pays membres du commandement unifié de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) seraient-ils dans le secret des dieux – la France, notamment – ou NON ? », d’abord ; et ensuite : « Qu’en pensent, pour leur part, l’Armée et les Services de renseignement russes, de même que le président de la Fédération de Russie, qu’on aurait tort de prendre pour un imbécile ? ». Le « terroriste de service » n’est tout de même pas Arsène Lupin !
La question n’est pas anodine. Le commanditaire présumé de telles opérations – si c’est bien celui auquel on pense – aurait dû prévenir ses alliés de l’OTAN. Il savait qu’il prenait le risque de représailles qui pourraient l’autoriser à invoquer l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. S’il ne l’a pas fait, il s’agirait d’un manquement grave ; la France et l’Angleterre sont membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU, détenteurs de l’arme atomique et dignes de confiance. À l’occasion de la réunion du G7, où les membres de l’OTAN sont directement ou indirectement représentés via l’UE, à l’exception notable de la Turquie (dont les ambitions sont hélas à surveiller de près[iv]), la question n’a peut-être pas lieu d’être posée, parce qu’elle est préjudicielle, mais elle justifierait alors d’être abordée sans délai dans le cadre de l’OTAN.
À ce moment de la crise, on n’imagine pas le Chef de l’État Français répondre entre quatre-z-yeux à la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée Nationale ou au président du Sénat qu’il ne sait pas qui est derrière ces attentats dits terroristes ! Une telle situation conduirait à faire deux observations.
La première est que le président Poutine, en principe informé sur les auteurs des mystérieuses dévastations (étant, par construction, un sachant – le volé n’étant que rarement le voleur) – n’a pas réagi comme on aurait pu le craindre (dans aucun des trois cas de figure). Lui, d’ordinaire méthodique et formaliste et aussi pragmatique que sensible à la symbolique, fait soudain preuve de mesure ! Soit il ne souhaite affronter ni l’Amérique ni « l’OTAN », soit il attend de disposer de preuves tangibles de nature à fissurer l’Alliance Atlantique, soit il prépare une riposte mais pour la faire à point nommé (réagir par des tirs de missiles sur les villes de l’intérieur comme en Syrie n’étant pas une réponse au coup par coup mais un changement de méthode). Pauvres Ukrainiens !
La seconde est que cette « série » d’attentats dits terroristes imputables par leur caractère et leur résonnance à une « puissance tierce » ne fait a priori que commencer. Un quatrième accident inexplicable est prévisible pour bientôt ; il pourrait même se produire ailleurs qu’en Europe, auquel cas il ne se solderait pas, de la part de l’agressé, par une simple giclée de quelques drones et missiles sur le territoire de l’Ukraine. Et ce serait plus grave encore !
Aussi les alliés de l’Ukraine – à commencer par la France – devraient-ils se poser la vraie question : « Comment a-t-on fait pour en arriver là et jusqu’où cela pourrait-il nous mener ?».
Tout a commencé à Kiev, le jeudi 21 novembre 2013 (avant le Brexit). L’Ukraine renonçait ce jour-là à un accord d’association proposé par l’Union Européenne (UE). Les autorités ukrainiennes – inspirées par Moscou – proposèrent, à la place, la création d’une commission tripartite sur le commerce incluant la Russie et l’UE. L’objectif était, pour l’Ukraine, d’assurer la sécurité nationale, de relancer ses relations économiques avec la Russie et de préparer son marché intérieur à des relations d’égal à égal avec l’UE et la Russie. L’UE lui opposa un refus. La mainmise anglo-saxonne alors prédominante sur l’Europe continentale aurait été autrement amoindrie. L’économie russe, en revanche, eut été ancrée à sa jumelle ukrainienne et à l’UE : une chance pour l’Europe qu’il aurait fallu saisir.
La révolution de la Dignité (Maidan) s’ensuivit. Il faut lire l’ouvrage de Maurice Gourdault-Montagne qui sort à l’instant en librairie : « Dix-huit mois avant que la Russie n’envahisse l’Ukraine…il était encore possible de discuter avec les Russes pied-à-pied sur des sujets de préoccupation majeure en commun comme l’équilibre du continent asiatique face à la Chine et le fondamentalisme islamique. »
Après l’arrivée au pouvoir du président Volodymir Zelensky, en mai 2019, l’Ukraine a carrément basculé du côté occidental. Le président russe eut beau rappeler de discours en discours[v] que « les Russes et les Ukrainiens ne formaient qu’un seul peuple » au regard de l’Histoire, ce fut en vain. Le sentiment de dépit du président russe fut renforcé par la volonté affichée et réitérée en août 2021 par le président ukrainien d’intégrer l’OTAN. Une soudaine démangeaison ! L’Ukraine joignit très vite l’action à la parole (les Forces spéciales ukrainiennes avaient déjà commencé leur entraînement en Angleterre et aux États-Unis). Le rôle des États-Unis n’est pas encore tout à fait élucidé dans cette affaire[vi]. Il n’aurait pas fallu qu’ils cherchassent à étendre à tout prix l’emprise de l’OTAN : il y avait une ligne de Yalta à ne pas dépasser, comme cela avait été convenu avec Mikhaïl Gorbatchev. De même que les membres de l’OPEP n’auraient pas non plus dû s’acoquiner avec le maître de Moscou – coup fourré qui n’était pas plus acceptable !
La création de l’ « OPEP Plus » par la Russie de concert avec la majorité des pays arabes producteurs de Pétrole sera le point d’orgue de la déclaration de guerre économique faite à l’Occident par la Fédération de Russie au nom des « quatre cinquièmes » de la planète en débandade générale. Le petit-fils d’ibn Saoud, Mohamed bin Salman (MBS) va transgresser le Pacte du Quincy pour rejoindre, dans cette cohorte, l’Iran, le Venezuela et les autres insoumis.
L’Amérique a relevé le gant jeté par cette autre partie du monde en entraînant la France et l’Union Européenne dans l’aventure sans visiblement demander l’avis de personne, sans se rendre compte qu’au milieu des débris de la mondialisation, « le dernier cinquième » restait dépendant de l’énergie fossile des pays de l’OPEP (Plus), comme il est désormais tributaire des puces de Taïwan, de la bonne volonté de Xi Jinping et de l’eau du ciel !
Mais tout cela pour quoi ?
[i] https://www.lepoint.fr/monde/guerre-en-ukraine-revelations-sur-le-naufrage-du-navire-moskva-16-05-2022-2475830_24.php – Le Moskva a été touché par deux missiles Neptune, dont la très basse altitude de vol les aide à pénétrer les défenses d’un navire
[ii] https://solidariteetprogres.fr/actualites-001/sabotage-des-gazoducs-nord-stream.html
[iii] L’OTAN est une alliance défensive dont les membres sont déterminés à sauvegarder leur liberté et leur sécurité mutuelles face à toutes les menaces, mais la posture qui est la leur, aux termes de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, est celle de la dissuasion mais pas celle de la provocation. Les dirigeants des pays de l’OTAN se sont réunis à Bruxelles le 24 mars 2022 pour étudier les conséquences de l’agression de la Russie contre l’Ukraine en l’absence de provocation et pour prendre des mesures de nature à renforcer encore davantage la posture de dissuasion et de défense de l’Organisation, mais en aucun cas pour perpétrer des actes assimilables à des actes de guerre contre Moscou en dehors du champs de bataille.
[iv] https://www.afrique-asie.fr/en-2023-le-traite-de-lausanne-prend-fin-les-frontieres-de-la-turquie-dessinees-par-ce-traite-seront-elles-caduques/
[v] http://en.kremlin.ru/events/president/news/66181
[vi] La Russie va pencher alors inexorablement à l’Est et participer de plus en plus assidument aux sommets du BRICS et de l’Organisation de coopération de Shanghai. Le Kremlin va déployer ses mercenaires (Wagner) en Afrique et se rapprocher de l’Iran qu’il n’incitera pas, loin de là, à se réconcilier avec l’Amérique du président Biden, lors des difficiles pourparlers relatifs à l’Accord de Vienne sur le nucléaire