La candidature à la tête de la francophonie de Louise Mushikiwabo, l’inamovible ministre des Affaires étrangères du Rwanda, a été actée à l’occasion de la visite du Président Paul Kagame à Paris.
La « Canada Dry » Michaelle Jean aura probablement perdu ses dernières illusions d’être réélue à la tête de la francophonie. Afin d’éviter un ultime camouflet, certains de ses proches commencent à tenter de la dissuader de présenter sa candidature. Les autorités fédérales du Canada ne sont pas les derniers à envisager une telle renonciation.
Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, avait déjà alerté les autorités fédérales sur les dérives de l’ancienne Gouverneur général du Canada. En visite au Canada et au Québec du 6 au 9 juin 2018, le président Macron abordera avec ses hôtes la succession de leur compatriote à la tête de l’OIF, mais aussi une nouvelle configuration de l’OIF pour redéfinir les missions de cette organisation internationale portée à bout de bras par le Canada et la France.
La fin de la sinécure
En liaison étroite avec la Cour des comptes française, très liée avec son homologue marocaine, la Cour des comptes du Royaume chérifien procédera à un audit externe de l’OIF, de la mandature de Michaëlle Jean. Il va de soi que Justin Trudeau se passerait bien d’un nouvel avatar concernant sa concitoyenne qu’il soutient encore officiellement, parce qu’il peut difficilement faire autrement.
Au fil des ans, l’OIF est devenue une sinécure pour parents et proches des présidents africains et pour des diplomates placardisés dans leur pays d’origine. Cette « belle endormie » confortablement dotée, avec ses experts aux perdiem ne connaissant pas la crise et aux frais de fonctionnement parisiens à rendre jaloux certaines présidences africaines, est l’exemple même d’une organisation internationale qui doit assurer sa mutation pour survivre.
Intérêts convergents
Le soutien de la France à la candidature de Louise Mushikiwabo a surpris, irrité et suscité une levée de boucliers chez de nombreux intellectuels et dans certaines chancelleries. Emmanuel Macron n’a jamais caché le peu de considérations envers l’OIF et sa Secrétaire générale. La nomination de la franco-marocaine, Leïla Slimani, représentante personnelle pour la francophonie, les discours notamment ceux de Ouagadougou et de Dakar, son tropisme pour le renforcement du multilatéralisme, le développement du multiculturalisme et la nécessité du plurilinguisme, ne plaidait pas en faveur d’une OIF appartenant à l’ancien monde. Qui mieux que Louise Mushikiwabo pouvait refonder l’OIF pour l’adapter à l’heure du temps ? L’afro-américaine qui a vécu plus de 16 ans aux Etats-Unis est la principale collaboratrice de Paul Kagame depuis son retour au Rwanda en 2008. Ministre des Affaires étrangères depuis 2009, elle est pour beaucoup dans la spectaculaire percée internationale de Paul Kagame.
L’Union africaine à la manoeuvre
Louise Mushikiwabo est aussi l’architecte de la réforme de l’Union africaine portée par Paul Kagame. C’est l’Union africaine et le Maroc qui ont proposé puis fortement soutenu sa candidature. L’élection de la Canadienne, en 2014, soutenue par le président Hollande, avait été une grande déception en Afrique. C’est Louise Mushikiwabo qui avait, dès l’élection, violemment critiqué ce choix par défaut. Sans cet appui décisif de l’Union africaine, il n’est pas sûr que le soutien français à la candidate rwandaise aurait été aussi net.
Emmanuel Macron voit dans cette nouvelle configuration de la francophonie un moyen de conforter les relations bilatérales franco-rwandaises. L’occasion opportune de renouer avec le Rwanda, où la France n’a toujours pas d’ambassadeur, et de regarder vers l’avenir plutôt que de ressasser un passé douloureux.
Une candidature contestée
Les critiques contre le régime rwandais et ses dérives autocratiques sont nombreuses et souvent justifiées. Ces mêmes critiques ne devraient pas épargner la plupart des États africains et des pays membres de l’OIF. Boutros Boutros Ghali, ancien et brillant Secrétaire général de l’OIF était originaire d’Egypte qui n’est pas un modèle de démocratie.
Deuxième critique, la langue française perd du terrain au Rwanda. Mais n’est ce pas le cas dans de nombreux États africains? Au moins au Rwanda, l’Éducation est une priorité nationale, ce qui n’est que rarement le cas ailleurs.
Les classements mondiaux concernant le développement sont sans appel. Le Rwanda est le plus souvent en tête en matière de santé, d’éducation, de lutte contre la corruption et des nouvelles technologies. Kigali est une ville ou règne sécurité et salubrité. Elle est devenue le principal centre de conférences d’Afrique avec Marrakech et Le Cap. Les atouts de Louise Mushikiwabo devraient largement compenser les critiques et les oppositions. Les chères palabres de l’OIF et les réseaux confortablement installés en son sein ont probablement vécu, avec Emmanuel Macron comme dynamiteur.
Le français ne perd pas de terrain en Afrique, il en gagne même rapidement, voir mes articles sur yvesmontenay.fr. Certes, comme en France, une petite partie de l’élite industrielle et politique utilise souvent l’anglais, mais la connaissance du français augmente très rapidement et il devient langue maternelle ou d’échange dans les principales villes, à part Dakar où il y’a plutôt un bilinguisme franco-wolof.