La mémoire du grand opposant tchadien disparu le 3 février 2008, le professeur Ibni Oumar Saleh, est porteuse d’espoir pour la nouvelle génération tchadienne. Une chronique de son fils Brahim Ibni
Au plus fort des combats en 2008 entre les forces tchadiennes et une opposition armée prête à s’emparer de N’Djamena, le professeur Ibni Oumar Saleh, chef de file d’un mouvement populaire pacifique, était arrêté par les autorités pour ne plus jamais reparaître. Dix ans plus tard, sa mémoire doit être honorée comme celle d’un intellectuel au service de son peuple et d’un scientifique attaché à la paix. Son combat est porté désormais par une nouvelle génération.
Une crise sans précédent
La crise actuelle n’est plus, comme par le passé, le fait de soubresauts politiques découlant de luttes armées. Le gouvernement actuel est incapable de payer les fonctionnaires et de faire fonctionner les fragiles institutions supposées encadrer et accompagner le développement du pays. Cette mauvaise gouvernance s’étend progressivement à l’ensemble des administrations, armée comprise et concerne les entreprises, entrainées pour beaucoup malgré elles dans la faillite du pays.
Le système de gouvernance est construit autour d’un projet sécuritaire et fonctionne au profit quasi-exclusif de clans, en déphasage complet avec les réalités sociales. Et cela en dépit de ressources importantes qui auraient dû permettre au président d’asseoir sa légitimité non plus sur la force des armes mais sur la perspective d’un développement inclusif.
Une démarche pacifique
En avance sur son temps, le professeur Ibni avait décidé de mener son combat de manière pacifique, à découvert, de manière transparente et il en assumait pleinement les risques. Au regard des réalités de la gouvernance au Tchad, le décalage apparent de ses discours démontrait pourtant à une jeunesse nombreuse et soucieuse de son avenir qu’il était possible de construire des propositions ambitieuses et de penser des alternatives en dehors de la lutte armée.
L’émergence de mouvements civils responsables rendent aujourd’hui hommage à sa mémoire et démontrent si besoin que son espoir dans la société civile tchadienne était fondé. Tournant le dos à la tribalisation du politique, Ibni était parvenu à rassembler les bonnes volontés du nord comme du sud, alors que les forces politico-militaires sont construites sur la base des liens tribaux et familiaux. Ce qui limite leur audience et fait le jeu d’un pouvoir qui joue sur les peurs de revanches
Les mouvements citoyens, au contraire, doivent brasser et rassembler par-delà les appartenances communautaires et confessionnelles.
L’ouverture plus que la répression
Le Tchad doit compter sur la bravoure et le courage de tous ses fils et éviter à tout prix les divisions partisanes et plus encore la tribalisation du combat politique. Il est aujourd’hui nécessaire d’accompagner cette jeunesse généreuse et encourager les autorités à répondre par l’ouverture et non la répression.
Du nord au sud, notre grand pays est riche de sa diversité culturelle et ethnique, ce pluralisme naturel qui inquiète parfois les héritiers des jacobins mais qui est un atout pour refonder notre pacte social.