Empoignade pour la présidence de l’Union Africaine

Expert reconnu au Canada,I sidore Kwandja Ngembo soutient la candidature du mauricien Jean Claude de l'Estrac pour la présidence de l'Union Africaine

La présidente de la Commission de l’Union africaine (UA), la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, ne briguera pas un second mandat. Elle quitte son poste en juillet 2016, au terme d’un seul mandat de quatre ans. Un des piliers du Congrès national africain (ANC), parti cher à Nelson Mandela, Mme Dlamini-Zuma est pressentie pour prendre la direction de ce parti lors du prochain congrès en 2017, pour éventuellement succéder à son ex-mari, Jacob Zuma, à la présidence de l’Afrique du sud.

Pour organiser sa succession à l’UA, une date butoir avait été fixée au 31 mars 2016 pour la présentation de candidatures. La liste définitive des candidats présélectionnés sera dévoilée ce mois de mai et le choix du nouveau président de la Commission de l’UA sera fait en juillet prochain, lors du 27e sommet de l’UA qui se tiendra à Kigali au Rwanda.

Parmi les candidats sérieux qui pourraient probablement succéder à Mme Dlamini-Zuma, on cite de plus en plus le nom du secrétaire général de la Commission de l’océan indien, Jean Claude de L’Estrac et celui de la ministre des Affaires étrangères du Botswana, Pelonomi Venson-Moitoi, tous deux issus de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) comme Mme Dlamini-Zuma. Il y a aussi le nom du ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra et celui de l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio.

Les pays de la SADC, qui avaient bataillé fort pour arracher la présidente de Commission de l’Union africaine, ne sont pas prêts de lâcher le morceau, et sont décidés de conserver coûte que coûte ce poste, du moins pour un second mandat. Ils ont déjà avancé le nom de Mme Venson-Moitoi. Seulement voilà, la ministre botswanaise des Affaires étrangères risque de ne pas faire l’unanimité au sein de la communauté de l’Union Africaine.

On entend des murmures comme quoi, l’Afrique a besoin d’une fille ou un fils qui a démontré d’une vision panafricaniste dans l’exercice de ses fonctions, pour présider à la destinée de l’UA. Le panafricanisme est ici entendu comme une vision politique, économique et socioculturelle d’émancipation des peuples d’Afrique et de la diaspora qui partagent une histoire et une destinée commune et que leur progrès socio-économique est lié à leur unité. Certains disent donc que le Botswana ne serait pas autant panafricaniste pour prendre la direction de l’UA.

Si ces murmures se confirment, il sera difficile pour Mme Venson-Moitoi d’obtenir les votes favorables pour atteindre les 2/3 des États membres afin de succéder à Mme Dlamini-Zuma à l’UA. C’est alors que la candidature de Jean Claude de L’Estrac devient intéressante. L’homme peut rallier, à la fois, les voix des États membres de la SADC qui veulent garder le poste pour un second mandat, les voix des États francophones qui sont majoritaires au sein de l’UA, y compris ceux des États de l’océan indien dont l’intéressé est actuellement leur secrétaire général de la Commission.

Le Mauricien peut-il compter sur le soutien indéfectible de l’Afrique francophone?

Ancien journaliste, politicien et diplomate chevronné, le Mauricien Jean Claude de L’Estrac a un profil idéal pour succéder à Mme Dlamini-Zuma. Il a été plusieurs fois ministre des Affaires étrangères, du Développement économique et de l’Industrie. On l’a vu en 2014 très combatif, lorsqu’il s’est porté candidat au secrétariat général de la Francophonie. Jean Claude de L’Estrac a voulu service la communauté francophone. Il avait fait une campagne électorale exemplaire, avec un programme méticuleux pour une Francophonie économique. Malheureusement la chance ne lui a pas sourit.

L’homme peut encore faire parler de lui, mais jusqu’à présent, le gouvernement mauricien ne s’est pas encore prononcé pour une telle candidature à l’UA. Certainement qu’il est encore entrain d’évaluer les chances de réussite, après le camouflé de 2014 à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), avec le même candidat, Jean Claude de L’Estrac. Mais comme disait Socrate : « la chute n’est pas un échec. L’échec c’est de rester là où on est tombé. » Les échecs font partie de la vie, et les hommes de convictions ont toujours la capacité de rebondir après un échec et les frustrations qui s’en suivent. La balle est donc dans le camp du gouvernement mauricien. Et je dirai même plus que, M. De L’Estrac peut gagner son pari s’il prend l’initiative, comme en 2014, de mobiliser les soutiens francophones nécessaires.

Le jeu reste grand ouvert pour quiconque peut rallier autour de lui 2/3 de voix des États membres pour diriger l’UA. Les pays francophones qui n’avaient pas réussi à faire réélire le Gabonais Jean Ping pour un second mandat, après plusieurs tours de scrutin et des tractations infructueuses, peuvent néanmoins reprendre la main en misant sur une candidature francophone qui peut recueillir le soutien le plus large possible, même en dehors de l’espace francophone. Une candidature de M. De L’Estrac, si elle est confirmée, pourrait faire l’unanimité tant du côté des pays anglophones que francophones. Il reste à savoir si, cette fois-ci, les pays francophones soutiendront indéfectiblement M. De L’Estrac. Wait and see.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue

 

BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR

Isidore Kwandja Ngembo a œuvré dans la fonction publique du Canada notamment comme analyste des politiques à la direction des affaires internationales sur le changement climatique au ministère de l’Environnement du Canada, et comme conseiller à la direction d’Afrique centrale et occidentale au ministère des Affaires étrangères, commerce et développement du Canada.
Cependant, les opinions exprimées par l’auteur le sont à titre strictement personnel et ne reflètent aucunement les points de vue du gouvernement du Canada.

M. Kwandja Ngembo a fait des études supérieures en Éthique publique à l’Université Saint-Paul d’Ottawa. Il est diplômé en science politique & relations internationales de l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa ; en Management public de l’École nationale d’administration publique (ENAP – Québec); en Droit international des droits de l’homme de l’Université catholique de Louvain & l’Université Saint-Louis de Bruxelles ; en Développement international de l’Université catholique de Louvain & l’Université libre de Bruxelles en Belgique.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)