Les États du Conseil de coopération du Golfe accentuent la pression sur les autorités de Beyrouth afin de les amener à réagir fermement face aux tentatives répétées du Hezbollah libanais d’imposer un diktat iranien au Liban.
Michel Touma
Les Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG) semblent déterminés à accroître encore plus la pression sur les autorités de Beyrouth. Et pour cause : le Hezbollah libanais, véritable bras armé des Gardiens de la Révolution iranienne (Pasdarans), fait feu de tout bois pour transformer le Liban, de plus en plus, en un tremplin pour mener des campagnes médiatiques régulières contre les pays du Golfe et pour accueillir sous sa houlette, dans le cadre de conférences ou de congrès organisés dans la banlieue-sud de Beyrouth, les opposants aux monarchies du Golfe.
Cette action politico-médiatique effrénée s’accompagne, convient-il de le rappeler pour l’occasion, d’une implication directe dans les conflits du Yémen, d’Irak et de Syrie, où le Hezbollah encadre et assure l’entrainement des autres milices pro-iraniennes pour soutenir et mener à bien, sur les différents fronts de combat, la politique expansionniste des Pasdarans. A cela s’ajoute une vaste contrebande de stupéfiants, notamment de Captagon, en direction du Golfe.
Beyrouth, otage du Hezbollah
Face à ce tableau exhaustif, les monarchies pétrolières, Arabie Saoudite en tête, ont réagi promptement, accusant le pouvoir en place à Beyrouth d’être l’otage du Hezbollah et des Pasdarans. Une accusation reprise d’ailleurs à grand échelle par l’opposition libanaise qui ne cesse de dénoncer et de stigmatiser la tutelle iranienne sur le Liban.
Ce sombre paysage a été marqué ces derniers jours par une initiative diplomatique visant à pousser le pouvoir libanais à réagir face à la situation de fait accompli imposé par le parti chiite pro-iranien. Le ministre koweïtien des Affaires étrangères, cheikh Ahmed Nasser Mohammed el-Sabah, a ainsi effectué la semaine dernière une visite à Beyrouth où il a remis aux dirigeants libanais un document exposant une série de demandes susceptibles de réchauffer les rapports du Liban avec les pays du Golfe, qui se sont gravement détériorés ces dernières semaines en raison de la soumission des dirigeants au diktat du Hezbollah. Le ministre koweïtien a tenu à souligner, lors de sa visite, qu’il effectuait sa mission de conciliation au nom des Etats du Golfe, des pays arabes et de la communauté internationale.
Ce qui pourrait être perçu comme une feuille de route à l’adresse des autorités de Beyrouth aborde la totalité du problème causé par la ligne de conduite du parti pro-iranien et expose dans ce cadre les principales demandes suivantes : arrêt des campagnes médiatiques contre les pays du Golfe ; interdiction des congrès et conférences organisés au Liban par les opposants aux monarchies pétrolières ; arrêt de l’implication (du Hezbollah) dans les conflits régionaux et adoption d’une politique de « distanciation » qui maintiendrait le Liban à l’écart des guerres et des conflits dans la région ; la lutte contre la contrebande de stupéfiants en direction du Golfe ; l’application des résolutions de l’Onu concernant le Liban, notamment la résolution 1559 qui réclame la dissolution de toutes les milices (donc nécessairement celle du Hezbollah). La réalisation de ces demandes reviendrait à soustraire le Liban de l’influence iranienne et à mettre des limites aux activités de l’allié de Téhéran.
En clair, les Etats du Golfe mettent ainsi le pouvoir libanais au pied du mur et le pressent de trancher en le plaçant pratiquement devant l’alternative suivante : se réconcilier avec son environnement arabe et rétablir notamment les ponts avec les pays du Golfe, comme prélude à l’obtention d’une aide substantielle qui lui permettrait de sortir de la crise économique, financière et sociale dans laquelle il se débat ; ou bien accepter de demeurer l’otage de la République islamique iranienne, avec toutes les conséquences désastreuses que cela entraînerait pour la population libanaise à tous les niveaux.
Le chef de la diplomatie libanaise, Abdallah Bouhabib, devait remettre la réponse du pouvoir à ces demandes au cours de la conférence des ministres arabes des A.E. qui s’est tenue dimanche 30 janvier au Koweït. L’élaboration de cette réponse libanaise a été au centre d’intenses tractations et de tiraillements entre les pôles du pouvoir à Beyrouth.
Les discussions ont plus particulièrement porté sur la clause relative à l’application de la résolution onusienne 1559, avec ce qu’elle implique au niveau du désarmement du Hezbollah. Certains pôles du pouvoir estiment à cet égard que l’application de la 1559, et donc le règlement du problème posé par l’arsenal militaire du Hezbollah, dépasse les capacités du pouvoir libanais et relève d’un contexte régional global sur lequel le Liban n’a aucune prise. Les tenants de cette thèse affirment que soulever cette question dans le contexte présent risquerait d’ébranler ce qu’ils appellent « la paix civile ».
Ce point de vue est contesté par d’autres pôles du pouvoir et par l’opposition qui rejette l’influence iranienne. Cette mouvance anti-iranienne et anti-Hezbollah souligne qu’indépendamment du contexte régional, le Liban, et plus particulièrement le pouvoir central, doit adopter une position de principe ferme, rejetant sans détours les tentatives d’imposer un diktat iranien sur le Liban.
La réponse libanaise au document transmis par le ministre koweïtien des A.E. aux autorités de Beyrouth a tenté de concilier ces deux points de vue, de sorte que la position exposée dimanche au Koweït par le chef de la diplomatie libanaise a été perçue comme une position « molle » qui a évité de s’attaquer au fond du problème. Cette réponse libanaise sera débattue sous peu par les Etats du Golfe qui adopteront à la lumière de leurs débats la position qu’ils jugeront adéquate à l’égard du pouvoir libanais qui est amené ainsi à choisir son camp : l’environnement arabe, auquel il est censé appartenir, ou le giron perse …