Emmanuel Macron et le Golfe: la diplomatie du portefeuille

Emmanuel Macron qui avait effectué en décembre  2021 la dernière grande tournée à l’étranger du quinquennat précédent dans le Golfe a reçu en cette fin de juillet 2022 MBS et MBZ, les hommes forts des Émirats arabes unis et d’Arabie Séoudite. Sur fond de splendides contrats de ventes d’armes.

Les grands dossiers de sécurité régionale sont les enjeux annoncés des relations privilégiées du Président français avec les pays du Golfe. Il est clair, comme a pu le rappeler Renaud Girard, chroniqueur au « Figaro », que « les alliés arabes de la France dans le Golfe demandent à Emmanuel Macron de rester ferme dans les négociations de Vienne avec l’Iran », qui ont repris à Vienne. En échange, le président incite ses amis du Golfe, les princes héritiers MBS et MBZ, à soutenir les efforts diplomatiques de la France notamment au Liban qui, pour l’instant, n’ont guère été concluants, la situation se détériorant chaque jour un peu plus au pays du Cèdre.

Au terme de la visite en juillet du prince héritier saoudien MBS, la France et le Liban ont ainsi affirmé à nouveau leur volonté commune de coopérer pour aider le Liban. Ce qui n’empêche guère la diplomatie française de soutenir à Beyrouth des forces alliées au Hezbollah, le mouvement pro iranien chiite et l’ennemi public numéro un du Royaume séoudien (voir l’article dci dessous).

L’axe entre Macron et MBS au Liban

Emmanuel Macron décomplexé

Par ailleurs, Emmanuel Macron a l’espoir, via ces relations privilégiées avec le Golfe, de pouvoir jouer un rôle central dans la négociation qui devrait faciliter un éventuel retour de l’Iran sur la scène politique internationale. Rappelons qu’à ­Bagdad durant l’été 2021, la France avait présidé une conférence nettement oecuménique sur la stabilité du Moyen-Orient, en esquissant sinon un rapprochement avec l’Iran, ou du moins une volonté de considérer Téhéran comme un interlocuteur incontournable. Rn alliant l’utile et l’agréable, la France entend également garantir ses approvisionnements pétroliers et la liberté de navigation dans le Golfe.  L’émirat d’Abu Dhabi abrite à lui seul trois bases militaires françaises, de la marine, de l’armée de l’air et de l’armée de terre. La France a des accords de défense avec les Émirats et le Qatar. Elle apporte également un soutien opérationnel à l’armée saoudienne.  . 

C’est un Macron totalement décomplexé qui soigne ses relations avec les représentants des monarchies pétrolières accusés de multiples dérapages  sur le plan des droits humains. C’est qu’en France le Président français a pris l’habitude de botter en touche quand ils sont mis en cause sur leurs relations avec les dictatures africaines ou arabes, sans grand dommage politique.

Le président français a pourtant subi de sérieuses mises en garde venues des grandes ONG pour avoir été le premier chef d’état occidental à s’entretenir du sort du monde avec le prince héritier séoudien, Mohamed Ben Salmane, dit MBS, depuis que ce dernier a commandité en octobre 2018 l’assassinat du journaliste et opposant Jamal Khashoggi découpé en morceaux avec une tronçonneuse dans une arrière salle de l’ambassade séoudienne en Turquie. Ce qui, contrairement aux arrangements de Le Drian et de Sissi, n’est pas passé inaperçu. Le président Biden refuse toujours de s’entretenir avec MBS et préfère s’adresser à son père, le roi Salman.

Les relations du Président français avec les monarchies du Golfe s’apparentent nécessairement à une entreprise de réhabilitation du prince héritier MBS, mis en cause pour l’assassinat d’un journaliste opposant en Turquie. « Cela me désole qu’Emmanuel Macron prête ainsi son nom de chef d’état à une telle entreprise « , a pu estimer dans « le Monde » Agnès Gallamard, secrétaire générale d’Amnesty International qui a signé pour l’ONU un rapport appelant à mettre sous sanctions l’homme fort du Royaume séoudien.

« Business as usual »

Si Emmanuel Macron offre un brevet d’honorabilité à ses alliés MBS et MBZ malgré les risques politiques encourus, c’est qu’il attend, en retour, quelques jolies gâteries. À savoir de gros contrats d’armement qui devraient être signés ce vendredi à Dubaï. De quoi soulager la balance française des paiements très déficitaire, un sérieux bémol au tableau économique du pays qui est plutôt favorable. Ce qui en période de campagne présidentielle pourrait être un atout incontestable pour le candidat Macron.

Dès la veille du départ d’Emmanuel Macron, toute la presse française évoquait des contrants mirifiques de Mirage, Rafale et autres armes de guerre dont le président français n’a pas voulu annoncer la nature mais dont il se gargarisera sans aucun doute après ses entretiens avec ses interlocuteurs du Golfe! Les Émiratis devenus les principaux interlocuteurs de la France dans le Golfe devraient acheter à eux seuls une soixantaine de Rafale, l’avion de chasse déja vendu au maréchal Sissi.

C’est définitivement la ligne Le Drian, grand manitou des ventes d’armes françaises aux dictatures du monde entier, qui impose désormais ses priorités à la diplomatie française.

Ce qui ne grandit pas l’image de la France dans le monde !

La France n’est pas un argument électoral

 

 

 

 
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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)