Donald Trump, l’idéologue de l’ultra libéralisme  

Trump est revenu au pouvoir le 20 janvier 2025. Depuis la fin de son précédent mandat et, plus particulièrement, durant toute sa campagne de réélection (qui a débuté en 2023), le nouveau président américain n’a cessé de répéter ce qu’il voulait faire s’il était réélu. Sa ligne de conduite semble claire et évidente avec ses slogans « America First » et « We want to make America great again ».

Une chronique de Malek El Khoury

Durant le premier mandat de Trump, il avait la même politique. Il a toujours appliqué ce qu’il disait et disait ce qu’il appliquait. Ses caractéristiques sont claires. C’est un commerçant, une personne qui ne croit pas à l’efficacité des guerres militaires (qui est différent du soutien à l’armée), mais à celle de la guerre économique avec le dollar et les sanctions. C’est un négociateur. Comme tout homme d’affaires, il démarre en mettant la barre de ses exigences très haut, afin de pouvoir faire des concessions ultérieures qui sont partie intégrante de toute négociation.

Donald Trump n’aime pas perdre. Il a son caractère particulier et n’est pas toujours dans la logique de la solution win-win. En tous cas, il n’accepte pas de descendre en dessous d’un certain seuil, comme tout commerçant qui doit négocier le prix de son produit.

Le nouveau président français est transparent dans sa politique, dans ses objectifs et dans sa manière de fonctionner. Il sait très bien où il veut arriver. La grande inconnue dans la politique de Trump est la manière dont l’autre partie, la partie « adverse », discute et négocie avec lui. Trump fait ses calculs, mais il peut très bien se tromper. Dans ce cas il sortira un plan B ou un autre lapin de son chapeau, ou alors il augmentera la pression, puisqu’il est à la tête de la plus grande puissance de la planète et peut se le permettre. Certes, le résultat de cette « négociation » est totalement inconnu. Il souhaite tout le temps gagner, ce qui n’est, évidemment pas toujours possible. Trump est un pur produit de l’ultra-libéralisme économique, qui pense que tout peut s’acheter et se vendre.

En face de lui, il a une multitude de nations, de pays, d’entités institutionnelles (ONU, OTAN, ASEAN, UE, l’OCS, etc.) qui vont, eux aussi, ne pas vouloir perdre dans les négociations avec les USA et, au minimum ne pas perdre les acquis, longuement et durement obtenus à travers l’histoire récente. Ces entités sont autant attachées à leur souveraineté, individuelle ou collective. Elles ne souhaitent nullement devenir dépendantes des USA. Alliées, peut-être, mais pas soumises. Elles vont donc aussi utiliser les moyens de bord pour défendre leurs intérêts.

Or Trump, dès son retour au pouvoir, s’étant longuement et amplement préparé, paré de son expérience précédente avec l’administration américaine, et, surtout, n’ayant plus le souci de sa réélection, a foncé comme un taureau dans l’arène de la planète entière. Il a immédiatement tenté de mettre en application tout ce qu’il avait promis durant sa campagne. En l’espace de moins d’un mois, il a pris position par rapport à (presque) la terre entière (Canada, Mexique, Panama, Groenland, Europe, Chine, Russie, Proche-Orient, guerres en Europe et au Proche-Orient) et même à l’intérieur des USA (LGBT, migration, etc.).

Son équipe était déjà choisie et savait quoi faire. Il a fait comme d’habitude. Il applique ce qu’il a promis de faire. Il a décidé d’affronter le monde entier en même temps.

Cette politique a complètement déstabilisé le monde (sauf les dictatures, paradoxalement mieux préparées), car tout ce monde pensait qu’il allait étaler sa guerre contre la planète dans le temps. Comment vont réagir les autres, ceux qui se trouvent de l’autre côté de la table des négociations ?

Vont-ils s’unir, former un front uni, dialoguer chacun séparément en direct, discuter à partir d’entités dont ils font partie ? C’est cela la grande inconnue et non pas Trump. De plus, à part certains qui étaient prêts, la grande majorité semble être prise au dépourvu, comme l’Europe, par exemple. « Nous allons réfléchir pour essayer de trouver la meilleure solution ». Voilà la réponse de cette majorité désarçonnée par la rapidité et la clarté de Trump.

En fait nous nous trouvons dans une lutte idéologique politique profonde entre l’ultralibéralisme universel et les Etats-Nations enfermés dans ses frontières.

Le premier considère que l’argent peut tout faire et que l’objectif ultime c’est le profit maximal. L’accumulation de richesses est son moteur principal. Les frontières n’existent pas, les différences culturelles et autres critères non plus. Une monnaie commune simplifierait les échanges et permettrait une meilleure rentabilité. On pourrait donc associer l’idée de la création d’un empire américain avec pour Bible/Evangile/Coran l’ultralibéralisme et pour Dieu unique, l’Argent, de préférence le dollar américain.

 

Les Etats-Nations, de leur côté, sont basés sur des principes de frontières géographiques bien délimitées, d’une monnaie locale, et d’une homogénéité (linguistique, culturelle, religieuse, etc.) de ses citoyens (ce qui n’a presque jamais été le cas). Ceux-ci se trouvent actuellement dans une crise profonde (surtout pour les démocraties qui ont toujours eu de la peine à gérer leurs minorités). Ces Etats-Nations cherchent à préserver leurs différences culturelles, linguistiques, de mœurs et de rituels. Certains états ont jugé utile de se rassembler dans des entités plus larges pour mieux défendre leurs intérêts (comme l’UE ou l’EURO), puisqu’elles se ressemblent dans leur structure politique.

 

Dans ces Etats-Nations, il existe des mouvements d’extrême-droite qui se rapprochent de l’ultralibéralisme et qui ont actuellement le vent en poupe. Ceux-ci sont des alliés tacites de Trump, car ils ont la possibilité de « miner » l’ordre préétabli dans les Etats-Nations dits « démocratiques » et donc de faciliter la tâche de l’instauration du nouvel empire américain.

 

Qui l’emportera dans cette lutte idéologique ? Quelles sont les prochaines étapes ? L’ultralibéralisme semble avoir les idées claires, alors que les Etats-Nations semblent ne pas avoir de vision de leur avenir. Arrivera-t-on à une situation de statu quo ? de vainqueur-vaincu ? ou à un nouvel « ordre mondial », comme le prônent les USA depuis longtemps ?

 

Comme toujours, nous espérons le mieux et, surtout, que cette transition ne soit ni brutale ni noire comme certains la craignent.

 

 

 

Beyrouth le 16.2.25