Le dimanche 25 mars 2018, la 6e Journée d’action citoyenne a été interdite et trois de ses leaders ont été arrêtés et inculpés pour participation à une manifestation interdite. Le mouvement « Tournons la page » exige leur libération immédiate.
Depuis plusieurs mois, les organisations de la société civile réunies au sein d’un Cadre de concertation organisent des manifestations publiques pacifiques dites journées d’action citoyenne (JAC) contre la nouvelle loi de finances qu’elles considèrent antisociale et injuste. Cette loi qui s’applique depuis janvier 2018 accorde des avantages fiscaux à des sociétés commerciales internationales tout en accentuant la pression fiscale sur les couches sociales les plus démunies. Dimanche 25 mars 2018, devait se tenir la 6e JAC mais la Délégation spéciale de Niamey a interdit ladite manifestation alors qu’à la même date, le parti présidentiel, le PNDS Tareyya, tenait un congrès dans la capitale.
Se fondant sur la Constitution du 25 novembre 2010, le collectif de la société civile a estimé que la raison invoquée pour interdire la manifestation – l’insécurité – n’était pas recevable car elle s’applique de manière discrétionnaire contre les organisations de la société civile. Toutes les manifestations organisées jusqu’ici ont revêtu un caractère pacifique, preuves de l’esprit de responsabilité et de civisme des organisateurs. En conséquence, dans une déclaration publique publiée le 24 mars 2018, le collectif de la société civile n’a pas pris en compte l’arrêté d’interdiction et maintenu la mobilisation.
Le dimanche 25 mars 2018, alors que la marche suivie de meeting devait démarrer à 16 heures à partir de la Place Toumo, lieu habituel de rassemblement des manifestants, des policiers, gendarmes et gardes nationaux ont investi les lieux et pris position dans divers endroits de la ville. Vers 16 heures, des heurts ont débuté entre manifestants et forces de l’ordre, instruits pour disperser tout attroupement et procéder à l’arrestation systématique de tous les leaders de la société civile. C’est ainsi qu’avant-même le début de la marche, Moussa Tchangari est arrêté dans son bureau d’Alternatives Espaces Citoyens ; puis ce fut le tour d’Ali Idrissa coordinateur du ROTAB, interpellé au siège du MPCR de Nouhou Arzika, QG du Cadre de Concertation de la Société Civile. Nouhou Arzika sera également arrêté quelque temps après, suivi de maître Lirwana Abdourahamane, d’Ibrahim Namaïwa, d’Idrissa Adamou ainsi que d’autres manifestants pourtant pacifiques. Le soir-même, le groupe de presse Labari appartenant à Ali Idrissa a été fermé par les forces de l’ordre.
Le 27 mars 2018, ils ont été inculpés par le tribunal de Grande Instance de Niamey pour participation à une manifestation interdite et destruction de biens publics et envoyés dans diverses prisons du territoire nigérien dont certaines éloignées de plus de 100 km de la capitale.
La fermeture du groupe de presse Labari, l’arrestation massive de membres de la société civile et de l’opposition dénonçant la loi des Finances 2018 et l’envoi de inculpés dans des prisons lointaines de la capitale marquent une nouvelle étape de la dérive autoritaire du gouvernement nigérien qui foule aux pieds quotidiennement les droits fondamentaux et refuse toute voix dissidente. Ces actions, précédées en 2017 par l’arrestation de plusieurs membres de la société civile dans des conditions similaires, confortent l’instauration d’un régime politique fondé sur l’arbitraire et l’injustice alors même que les partenaires internationaux du Niger continuent de vanter un modèle de démocratie.
Face à cette situation, la campagne internationale « Tournons la page » condamne :
- L’usage systématique de la violence d’Etatcontre les manifestants et la traque des leaders de la société civile ;
et exige de l’Etat du Niger :
- La libération immédiate et sans conditions de l’ensemble des personnes arrêtées le 25 mars 2018 ;
- La réouverture immédiate de la Radio Télévision Labari ;
- L’arrêt des pressions à l’encontre des médias indépendants et des leaders de la société civile ;
- Le respect du droit constitutionnel à manifester ;
et exige de l’Union européenne et ses Etats-membres :
- Une condamnation unanime et forte de la répression en coursappelant au respect de l’Etat de droit et des libertés fondamentales au Niger.