Crise libyenne : le coup de maître de Mohammed VI

Ce jeudi 17 décembre, les grandes capitales mondiales avaient la main sur le cœur et les yeux rivées sur le palais des congrès de Skhirat, à 30 kilomètres de Rabat. En effet au terme de plusieurs rounds d’âpres negociations engagees au Maroc depuis plusieurs mois, les parties prenantes a la crise libyenne, notamment les parlements rivaux de Tripoli et Tobrouk ont enfin signé un accord politique global. Lequel devrait mettre à la situation de chaos où a été plongé ce pays depuis la chute de la dictature de Mouammar Kadhafi. Un joli exploit à mettre à l’actif de l’appareil diplomatique chérifien.
Au départ, personne ne pensait que les Marocains pourraient rabibocher tout le monde, au moment même où la Libye sombrait inexorablement dans une crise qui menaçait toute la région. Rabat n’était pas la seule partie à vouloir réconcilier les factions rivales libyennes, mais elle était sûrement la plus crédible et la plus disponible. L’Egypte était très engagée sur le terrain pour pouvoir jouer aux intermédiaires. L’Algérie quant à elle était à la fois très occupée par ses propres problèmes et avait également un certain parti-pris. L’Europe et les Etats-Unis étaient pour leur part accaparés par le conflit en Syrie et en Irak.
Cette occasion historique fut saisi par les services marocains qui ont su envoyer leur missi dominici à Tripoli et à Benghazi. « Même au plus fort de la crise et quand les multiples factions libyennes se tapaient dessus à coup d’obus et d’armes lourdes, les diplomates chérifiens persévéraient, ménageant le chou et la chèvre », explique un fonctionnaire onusien. L’été dernier, Rabat a joué aux équilibristes, rassurant l’Egypte, neutralisant l’Algérie, réconfortant l’Europe et impliquant les Emirats Arabes Unis et le Qatar. Une véritable performance, qui a permis la mise en place d’une série d’institutions légitimes pour une Libye prospère et unie avec une large représentation des différents acteurs.
« Ce travail de longue haleine a été suivi de près par les plus hautes autorités chérifiennes qui n’hésitaient pas à décrocher le téléphone et appeler directement tel ou tel chef d’Etat pour faire aplanir les divergences », souligne un haut diplomate de l’ONU. La médiation marocaine a été rendue facile, par le fait que le Maroc n’a aucun intérêt direct en Libye. Depuis la chute du régime du colonel Kadhafi, les Libyens sont devenus très méfiants et ne voyaient dans les interventions des une et des autres que des initiatives « très intéressées », relève un membre influent du parlement de Tripoli.
Aujourd’hui, Rabat a réussi le pari de mettre la première pierre dans l’édifice de la reconstruction de l’Etat libyen. Un exploit qui prédestine le Maroc a jouer aux « pompier » dans plusieurs crises régionales.