Congo Brazzaville, l’héritage piétiné de Guy-Brice Parfait Kolelas

Après la disparition brutale de son président-fondateur, Guy-Brice Parfait Kolelas, le jour de l’élection présidentielle à laquelle il était candidat, le parti UDH-Yuki (Union des démocrates humanistes) peine à trouver un successeur digne de ce nom. Le Congrès, qui devait se tenir du 14 au 15 avril au Palais des Congrès de Brazzaville, a été reporté une fois de plus pour des raisons aussi absurdes qu’intenables.

Bedel Baouna

Voilà deux ans que Guy-Brice Parfait Kolelas n’est plus et que l’intérim de son parti, l’UDH-Yuki, est assuré par Pascal Ngouanou et Gilles Fernand Bassidikila, respectivement premier et deuxième vice-présidents ! Un intérim vivement contesté par les militants ! Un intérim marqué par des dissensions internes et des magouilles récurrentes, si bien que nombre de militants, dans leur radicale totalité, définissent aisément, voire impitoyablement, la maladie politique dont souffre leur parti : l’absence d’hommes politiques à la tête de leur parti…

Selon une militante de base, qui vit ce chaos de près, les raisons avancées pour ce report de plus du Congrès sont presque bancales. « Certains cadres et députés refusant de s’acquitter de leurs cotisations, alors qu’ils sont les plus grands cotisants, le budget dévolu au Congrès s’est révélé rachitique », observe-t-elle, avant d’analyser : « Mais il y a une raison à ce refus de cotiser, c’est que certains cadres du Bureau politique du parti attendent les promesses d’un poste au sénat, aussi ne veulent-ils pas du Congrès avant l’élection sénatoriale, car si les militants boudent leur candidature à la tête du parti, ils ne pourront plus espérer devenir sénateurs. Il y a aussi des membres du Bureau politique qui veulent torpiller la candidature de Juste Kolelas, lequel jouit auprès des militants de quelques préjugés favorables mais concurrencé par son frère Maixent – les deux frères pensent, à tort ou à raison, que le parti est leur bien familial. Ajouter à cela le retard pris les commissions d’organisation du Congrès, vous avez la bouillabaisse actuelle et, surtout, la pléthore de candidats inutiles. »

Des collaborateurs de la sassoucratie

Tout compte fait, ce report constitue un mal pour un bien. Parce que si le Congrès avait eu lieu, les militants auraient été saoulés de bassesses, et, finalement, privés de débats. Aucun des candidats déclarés, de Gilles Fernand Bassindikila à Pascal Ngouanou, en passant par Maixent Kolélas, Christian Cyr Rodrigue Mayanda, les députés Juste Ntoumi Kolélas, Frédéric Jean Jacques Nicolas Malonga et Joseph Dadys Badiabio, l’ancien député Jean-Bonard Moussodia, Oleg Fabrice Kiéssila – ce dernier imposteur est tantôt poète, tantôt écrivain, voire sapeur –, n’a vraiment l’étoffe d’un homme politique. Pas de projet ni de vision ! Tout juste se targuent-ils tous, mezzo voce, d’être des sassoucrates apocryphes. Chacun est candidat parce qu’il croit être celui qui va rassurer de sa loyauté la sassoucratie.

À bien des égards, l’UDH-Yuki est l’image d’autres succédanés de partis politiques congolais, des juxtapositions d’intérêts personnels, des conglomérats de thuriféraires de la sassoucratie…

Si, par le passé, le parti a offert des billets d’avion à des militants de la diaspora de France, ou à l’un des candidats fallacieux, sans que ces derniers ne fassent le déplacement de Brazzaville, sans rendre compte à personne, certains membres du Bureau politique et candidats factices, eux, ont reconnu récemment avoir reçu nuitamment des enveloppes de la part de la sassoucratie. Crânement. C’est ce à quoi ils servent, en réalité. Enfouir dans leurs poches les enveloppes du pouvoir, encore et toujours. Mais leurs militants ne sont pas dupes, puisqu’ils ont violé le domicile du premier vice-président, celui qui assure l’intérim, à la suite de cette affaire d’enveloppes du pouvoir.   

Dans sa belle critique de La Panoplie littéraire de Bernard Franck, le blog Dissection du cadavre de la littérature reprend le portrait du « collaborateur, ce paradoxal «conservateur de la situation impossible [qui] voudrait qu’elle dure le temps de sa vie, qu’elle le caresse comme un éventail, ou, si elle doit finir, eh bien ! que le monde se consume avec elle» (p 119 ; p120). C’est exactement l’état d’esprit des membres du Bureau politique de l’UDH-Yuki, qui foulent aux pieds l’appel de leur leader charismatique.

Le viol du testament de Guy-Brice Parfait Kolelas

Dans cette effervescence du vide, se dessinaient cependant quelques lueurs d’espoir incarnées par les jeunes, Lucrèce Nguedi et Dany Bitsindou, entre autres, lesquels tentent d’interpréter la parole du chef. À tout le moins, eux n’ont pas goutté à la bouillabaisse que servent les différents candidats déclarés mais qui, du fond du cœur, ne voudraient pas d’un Congrès qui les emporterait –  et, d’ailleurs, pourquoi les candidats déclarés voudraient-ils de ce Congrès ? Tous les pseudos hommes politiques sont dans la même barque, celle de la sassoucratie. Honoré Sayi et Nicéphore Fylla de Saint-Eudes, opposants, ne sont-ils pas ministres de la sassoucratie ?

Malheureusement, comme par malédiction, la paraphrase et la gesticulation ont vite rattrapé l’un des jeunes espoirs du parti, Dany Bitsindou. Dans une récente interview au journal Horizon Africain, il a tourné en rond, prenant le contrepied de ce qu’il a écrit dans son livre, L’ultime combat de Guy-Brice Parfait Kolelas : « La restructuration du parti s’impose évidemment à nous, pour faire émerger un nouveau leadership. Il ne s’agit pas d’oublier le Président Guy-Brice Parfait Kolelas, mais d’honorer sa mémoire et de continuer à se battre pour la postérité. » Mais bon… La politique congolaise réserve bien des surprises. Des changements de direction. Des coups de Jarnac.

Toujours est-il qu’honorer la mémoire de Guy-Brice Parfait Kolelas et, accessoirement, son testament, ne sont font pas partie de l’agenda des candidats déclarés à la direction de l’UDH-Yuki. Le « Levez-vous comme un seul homme ! », le « Battez-vous pour votre changement ! » se sont mués en « Battez-vous pour vos intérêts auprès de la sassoucratie ! »

Guy-Brice Parfait Kolelas n’est pas mort une fois, mais plusieurs fois !

Congo Brazzaville, le mystérieux vol de nuit de Guy Parfait Kolelas

 

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)