Le président français, Emmanuel Macron, doit évoquer ce mardi à Mulhouse, les questions de radicalisation et de communautarisme, en opérant une confusion entre des réalités totalement différentes.
Avec les élections municipales de mars 2020, la question du « communautarisme », porteur de tous les maux, revient immanquablement dans le débat politique. C’est un peu vite oublier l’incapacité de la classe politique française à intégrer, depuis la marche dite des Beurs en 1983, des élites politiques issues de l’immigration
Les vagues d’immigration que la France a connues depuis un demi siècle sont peuplées d’aventuriers qui ont passé la mer, de transfuges qui aspiraient à changer de monde, à changer de vie. Les héritiers de cette immigration maghrébine qui sont apparus sur la scène publique française dans la décennie qui va de 1980 à 1990 ont voulu devenir des champions de la modernité et de l’émancipation. Il s’agissait pour cette génération dite des beurs d’échapper aux tyrannies de l’identité assignée et d’une relégation programmée.
Leur transhumance les a vu fuir les quartiers délaissés de la République pour gagner le centre des villes et imposer leur présence à des élites politiques et médiatiques qui les avait rejetés, eux et leurs parents, à la périphérie. La marche du 3 décembre 1983 fut l’illusion que la République allait les intégrer collectivement dans un immense élan fraternel. Dans la foulée, on assista à la naissance d’une « beurgeoisie » qui a pu croire à une intégration possible, à la loyale, au sein des élites politiques françaises.
Des beurs de service
Au pays de « Bel Ami » et des « Illusions perdues », ces « beurgeois » sont mus par un formidable surcroit de vie, d’énergie, et d’ambition qui attire forcément la sympathie. Ces parcours politiques ponctués de coups d’éclat et de coups de gueule, dont Rachida Dati, candidate de la droite aux élections municipales à Paris est certainement la forme la plus achevée, révèlent des personnalités obstinées, courageuses qui ont osé s’affranchir des fatalités sociales.
Hélas, ces nouvelles figures de la diversité vont affronter une classe politique française, incapable d’ouverture et de vision. Le bilan de ces trente années de cohabitation, le voici : les « beurgeois » n’ont pas contribué à changer en profondeur la situation des banlieues auxquelles ils ont tourné le dos, obésdés qu’ils l’étaient par leur survie individuelle. Les Chirac, Sarkozy, Hollande ont utilisé ces beurs de service pour mettre un peu de couleur dans une vie politique atone sans faire œuvre de pédagogie.
Au fond, la classe politique française a promu quelques stars de la diversité, dont la plupart sont retombées dans l’oibli, sans ouvrir vraiment les portes des mouvements politiques. Leur capacité de bluff et de culot leur ont permis d’assurer leur survie dans un monde politique blanc. On est loin des stratégies collectives qui sont la noblesse du métier politique.
A l’heure où de grandes capitales européennes comme Londres ou Rotterdam, élisent des maires musulmans, la plupart des beurgeois en France doivent se contenter des miettes du festin électoral.
Un communautarisme honteux
Ils sont effectivement, et surtout depuis les élections municipales de 2014, des centaines dans les assemblées municipales, mais sans relais ni canaux d’influence. Dans une espèce d’apartheid de la représentation politique, les élus de la diversité ont été cantonnés dans les assemblées à des fonctions, la prévention, les crèches et la sécurité, qui en faisaient des conseillers de deuxième zone.
Au total, les générations issues de l’immigration ont profité, mais individuellement, d’un communautarisme qui ne disait pas son nom. Notre modèle d’intégration pactise en secret avec le modèle multiculturel anglo-saxon dans une « ethnicisation républicaine » de la vie politique, pour reprendre l’expression du chercheur Vincent Geisser, tout en dénonçant dans un discours stéréotypé et biaisé, les fameuses tendances au communautarisme..
Le clientélisme qui permet de proposer quelques strapontins à des élus dits de la diversité permet aux élus de renouveler leur base électorale en particulier dans les villes et banlieues populaires. « Ce communautarisme par le haut » assure une hypothétique paix sociale, alors que l’intégration est en panne et que les banlieues travaillées par la tentation du salafisme.
Le risque du repli identitaire
Ce déficit de représentativité dans ces territoires délaissés de la République explique l’apparition de nouveaux canaux de représentation et de défense des banlieues où l’islam joue un rôle central pour le meilleur ou pour le pire. A l’approche des municipales de 2020, réapparaissent les questions touchant à l’exercice du culte dans la cité ( construction de mosquées, port du voile à l’université, viande hallal dans les cantines, lutte contre l’islamophobie…etc)
Pour se faire entendre, certains héritiers de l’immigration s’arc boutent sur des revendications identitaires pour retrouver une place au sein de la République française. Est-ce si grave alors que pendant des décennies la pratique de l’Islam était à peine reconnue dans les banlieues française ? Et ces héritiers de l’immigration ont-il eu vraiment d’autre choix?
Le repli identitaire d’une partie des communautés musulmanes est incontestable. Pour le dépasser, la classe politique française doit éliminer du débat public les éternelles rengaines sur le communautarisme et l’islamisme. Apparemment, on n’en prend pas le chemin