Les propos de Stephen O’Brien, Sous-Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires, sur les signes « avant-coureurs d’un génocide » en Centrafrique ont été très commentés, le plus souvent pour rejeter le risque de génocide. Il faut éviter les raccourcis trompeurs. S’il n’y a pas actuellement de génocide, il y a bien, en revanche, des « signes avant-coureurs », en espérant qu’il n’y aura pas de génocide. Il va de soi que si c’est la communauté musulmane qui est visée, les non musulmans qu’ils soient chrétiens et animistes sont également victimes de la terreur des bandes armées, souvent qualifiées, sans nuance, d’ex Seleka ou d’antibalaka.
L’héritage de Bozize
L’ONU a parfaitement raison d’alerter sur la dérive des anti balaka soutenus ostensiblement par le clan Touadera, de plus en plus radicalisé. On retrouve dans l’entourage du président Touadera les mêmes extrémistes qui sévissaient lorsque Faustin-Archange Touadrra était le premier ministre inamovible du général-président Francois Bozize ( 2008-2013).
Outre les pasteurs-animistes de la multitude des Églises évangéliques qui cultivent souvent la haine du musulman plutôt que l’amour du prochain et encouragent les groupes d’auto-défense souvent désignés comme anti-balaka à « défendre la patrie « , les extrémistes anti musulman instillent leur venin mortifère.
Le spectre de Fidèle Gouandjika
Le conseiller spécial Fidèle Goundjika, appartenant au même groupe Gbaka-Mandja que le président Touadera, est à la manoeuvre avec le Premier ministre Simplice Sarandji qui n’a pas encore » perçu ses retours sur investissements » et le ministre d’État, Firmin Ngrebada, directeur de cabinet présidentiel, parfois appelé « le président bis » tant le vrai est transparent. Comme au temps de Bozize, l’influence de Fidèle Gouandjika est très importante. Ce mythomane anti occidental, prônant le retour à l’authenticité africaine, admirateur nostalgique de Ceausescu et de la Securitate, a toujours pris l’ascendant sur son « petit frère » Touadera. Les frasques du « milliardaire de Boy-Rabe » sont connues de tous les Centrafricains qui se souviennent notamment du scandale de la Socatel et du 14 juillet 2010, lorsque le ministre centrafricain, vêtu d’un costume orange, fut expulsé de la tribune d’honneur des Champs Élysée, lors du défilé militaire.
Il n’est donc pas étonnant que les Centrafricains musulmans sont souvent catalogués d' »étrangers » voire de « mercenaires ». Le président de l’Assemblée nationale, Karim Meckassoua est particulièrement visé, surtout lorsqu’il prend des intiatives de réconciliation nationale.qui apparaissent comme des tentatives de destabilisation. Il est devenu l’ennemi numéro 1 du clan présidentiel. L’Église catholique paye aussi un lourd tribut à cette dérive identitaire. Les derniers propos du cardinal Nzapalainga accusant les anti balaka d’être des criminels ne va pas améliorer la situation des catholiques. Curieusement, la plate forme religieuse regroupant les chefs religieux musulman, catholique et protestant apparaît de plus en plus sans sa composante protestante….
Tant de crimes impunis
Les griots de service et les hommes de mains du clan présidentiel réapparaissent, après leurs forfaits commis avant le coup d’État de Michel Djotodia. Les assassinats de Charles Massi, du général Ndjadder, du commissaire Trépassé, du ministre Goula Joseph Kalite, et tant d’autres ont évidemment été impunis. La récente nomination, comme commandant de la garnison de Bangui, d’Anatole Ngaya, saluée par certains médias centrafricains, est particulièrement inquiétante comme les nominations de huit officiers supérieurs comme préfets dans huit préfectures sur seize.
Cette radicalisation.du régime de Touadera ne semble pas émouvoir la France qui continue à le soutenir imperturbablement. Lorsqu’il sera trop tard, comme le rappelle très justement Stephen O’Brien, Il faudra établir les responsabilités voire les complicités…de ceux qui refusent se prendre en compte « les signes avant-coureurs », dénoncés par des responsables humanitaires de l’ONU.