Alassane Ouattara (83 ans) fait le pari audacieux d’un quatrième mandat

Ce 29 juillet le président ivoirien a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle qui se tiendra le 25 octobre 2025 et dont le résultat est très attendu aussi bien en Afrique que dans de nombreuses chancelleries, et notamment en France et en Europe, pour qui la Cote d’Ivoire est avec le Sénégal un des seuls pays africains à vivre encore une transition politique de type démocratique.

La candidature d’Alassane Ouattara était un secret de polichinelle. En janvier dernier, le président ivoirien avait confessé aux ambassadeurs accrédités en Côte d’Ivoire, lors de ses vœux corps diplomatique, que même s’il leur avait promis, en 2020, de laisser la place à une nouvelle génération pour prendre la tête du pays, il a eu raison d’écouter ses partisans qui lui demandaient de continuer. Qu’au surplus, assurait-il, qu’il était en bonne santé et avait envie de continuer à servir son pays.

« Il y a cinq ans, j’indiquais au corps diplomatique qu’il était de mon intention de ne plus être candidat parce que j’estimais qu’il fallait passer la main à une nouvelle génération. Aujourd’hui, je peux vous dire que j’ai bien fait d’accepter la proposition de mon parti. Aujourd’hui, je peux vous dire que je n’ai pas encore pris de décision. Mais je peux aussi vous rassurer que je suis en pleine santé et désireux de servir mon pays. », avait assuré Ouattara dans la foulée devant ses partisans.

Le seul élément de surprise résidait donc dans le timing. Tous ceux qui suivent de près la politique ivoirienne s’attendait à cette annonce le 7 août, jour de la fête nationale de Côte d’Ivoire.

Pour justifier de se représenter une quatrième fois alors qu’il avait promis en 2020 de ne pas en réaliser plus de deux, le président ivoirien a mis en avant les défis sécuritaires, économiques et monétaires auxquels auxquels fait face le pays. Il a également affirmé que la Constitution lui permet de briguer ce nouveau mandat, tout en insistant à nouveau sur la transmission générationnelle qui serait au cœur de ces cinq prochaines années.

Le défi démocratique

Lors de la Présidentielle de 2020, des manifestations massives s’étaient soldées par des dizaines de morts et des bandes non identifiées, surnommées « les microbes » dans la population, s’en étaient pris aux jeunes dans les rues. L’opposition avait décidé de boycotter le scrutin. Résultat, le président Ouattara était élu pour un troisième mandat contesté jusqu’à Emmanuel Macron qui avait mis dix jours à féliciter le vainqueur élu avec 94% des voix, mais dans un climat de peur et dur fond d’absantéisme.

La Présidentielle qui aura lieu le 25 octobre devrait être plus vertueuse. La Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara dispose en effet de nombreux atouts pour relever ce qui se présente comme un redoutable défi démocratique: une réussite économique incontestable dont témoignent les multiples réalisations du régime; un débat politique relativement ouvert même si, ici comme ailleurs, des youtubers livrés à eux mêmes jouent un rôle central, mais erratique, dans le débat politique; une capacité d’ouverture internationale qui n’a en rien éloigné le pays de ses partenaires traditionnels.

L’annonce de cette candidature risque fort pourtant de relever la température de quelques degrés. Si le bilan économique plaide en faveur du Président sortant, une situation sociale tendue pourrait être exploitée par une partie de l’opposition et nourrir la colère de la rue. 

Un enjeu décisif

La décision de se représenter du président ivoirien ne manquera pas de relancer le débat sur les conditions du scrutin présidentiel alors que plusieurs figures de l’opposition, dont Tidjane Thiam (réfugié à Paris), Laurent Gbagbo (très amoindri et fatigué), Guillaume Soro (en fuite à l’étranger mais influent dans l’armée), sont exclues du scrutin par décision de justice. Un « Tout, sauf Ouattara » pourrait rendre l’issue du scrutin incertaine si le rapprochement qui se dessine entre Thiam, Gbagbo et Soro, dont l’assise géographique est forte pour chacun d’entre eux;  devait se confirmer. Encore faudrait-il que ces trois personnalités fassent l’impasse sur les contentieux et les divergences qui les séparent. Sans parler de la guerre des égos qui sévit toujours entre les leaders de l’opposition ivoirienne.

Tel n’est pas le cas pour Alassane Ouattara qui a fait le vide autour de lui au sein de son entourage immédiat. Sa légitimité n’est pas contestée au coeur du pouvoir. Son propre frère, ministre de la Défense, Téné Birahima Ouattara, veille à l’allégeance de l’armée et des services de renseigenent.

De même au sein du parti au pouvoir, l’ascendant du Président ivoirien n’est mis en cause par personne. Soudé, trop soudé peut-être, e bloc présidentiel est en ordre de marche. Telle est apparemment la force du Présisent ivoirien, telle est aussi sa principale faiblesse, seul pour affronter les oppositions et les contestations populaires.  

L’enjeu de cette présidentielle reste décisif dans un des rares pays d’Afrique où le pouvoir n’appartient ni à un dictateur, ni à une junte militaire. Si une campagne présidentielle sereine et une réelle ouverture du débat politique pouvaient confirmer l’ancrage de la Côte d’Ivoire dans le camp du pluralisme, cela redonnerait des couleurs à la vie démocratique africaine.

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