La visite cette semaine du ministre de la défense malien à Moscou est l’objet de bien des préoccupations chez les principaux acteurs de la paix au Sahel. Ahmedou Ould Abdallah, ancien ministre mauritanien des Affaires Etrangères, ex ambassadeur de l’ONU en Somalie et président de l’insttut « centre4s.org revient sur la réunion de grande qualité qui s’est tenue auNiger les 23 et 24 février pour réfléchir à l’avenir d’une région en pleine transition
La guerre qui se déroule en Ukraine, depuis le 24 février, est tragique par les pertes humaines et les massives destructions matérielles déjà engendrées. Elle est importante particulièrement par les enjeux opposant les états engagés. Des puissances économiques et militaires mondiales s’affrontant dans une Europe qui, depuis 1940, n’a pas connu de conflit armé de cette dimension. Le dernier, horrible, celui de l’ex Yougoslavie (aujourd’hui recomposée de plusieurs états souverains), ne comportait ni les mêmes enjeux stratégiques ni la même portée mondiale que celui actuellement en cours. Certes, il est loin d’être encore terminé et l’évaluation de ses divers couts humains et économiques et de ses impacts diplomatiques et militaires prendra encore plus de temps.
Qu’en est-il de ses conséquences actuelles et à venir pour le Sahel Sahara ? Comment, pour éviter plus de guerre, ou y mettre fin, gérer les énormes défis d’une région en transition quand des guerres de portée plus mondiale éclatent ailleurs? Qui pourrait alors donner conseils et leçons en faveur de la paix et de la stabilité au Sahel?
Depuis huit ans, les deux centres de réflexion que sont Promédiation et le Centre4s organisent des rencontres annuelles, avec des participants de cette région pour débattre en particulier des problèmes sécuritaires: trafics divers, cigarettes, drogues, migrations irrégulières. Cette année, Niamey a offert son hospitalité, la présence de personnalités gouvernementales lors de l’ouverture de la conférence et des débats qui suivirent et facilité une représentation variée et de haut niveau des pays invités : Libye, Soudan et Tchad.
En plus des représentants de ces pays, leurs sociétés civiles étaient largement représentées. Des experts régionaux et européens aussi. L’ambassadrice de l’Union européenne à Niamey, visiblement familière du Sahel, a apporté une contribution remarquée aux débats.
Les discussions, franches et libres, ont marqué les échanges entre participants. En particulier, elles ont permis, enfin, à des ‘’sans voix’’ de faire connaitre leurs vues et opinions, en public et librement. A leur grande satisfaction et à celles des autres participants. A mes yeux, un ingrédient souvent ignoré, mais essentiel au retour de la paix.
Habituée des terrains difficiles et proche des populations rurales, souvent marginalisées, Promediation a réalisé un remarquable travail auprès de ces groupes sans se couper des autorités centrales. Un équilibre souvent difficile à mener avec succès.
En attendant le suivi des conclusions de cette session, les organisateurs saluent l’apport du gouvernement de Norvège à la tenue de cette rencontre. Ils sont également reconnaissants à l’appui, en particulier diplomatique, du gouvernement du Niger, au succès de la réunion.
En recevant les chefs de délégations et les organisateurs, le président Mohamed Bazoum a appelé à plus de tolérance et d’inclusion de tous les groupes, ethniques et autres, dans la gestion des pays. Il a donné, en exemple, la réussite de son prédécesseur, le président Mahamadou Issoufou qui durant ses deux mandats a ouvert son gouvernement, au plus haut niveau, à toutes les composantes nationales du pays. Ouverture et tolérance constituent, ajoute-t-il les gages d’une paix durable en particulier au Sahel.
La reconfiguration régionale du Sahel oriental, toujours sensible, constitue une occasion de discuter et d’avancer vers des accords et solutions malgré les énormes pressions liées aux trafics divers, aux flots de réfugiés et aux poids des ambitions d’états proches ou lointains.
C’est précisément le rôle des médiations de préparer les terrains et les hommes pour faire revenir la paix encore en déshérence dans le Sahel.
In fine, il est à espérer que la guerre qui fait rage au Nord avec ses flots de réfugiés et de déplacés internes, sans compter les morts et autres blessés, ne marginalisera pas davantage les efforts de paix au Sahel. Ou, au contraire, pourrait-elle, en mettant plus de pression sur les pays occidentaux, y aggraver davantage la situation sécuritaire comme naguère en Syrie et en Libye?