Après avoir passé quelques jours à vadrouiller, entre Paris, Astana au Kazakhstan et Bamako – soit l’Europe, l’Asie et l’Afrique en moins d’une semaine-, le président Ould Abdel Aziz n’est revenu à Nouakchott que le temps d’enfiler un nouveau costume. Destination : New-York et plus précisément où l’ONU tient son assemblée générale annuelle.
Il est bien loin le temps où celui qui se prétendait encore président des pauvres accusait le président Sidioca ( NDLR: un ancien chef d’état mauritanien dont le mérite fut déja de ne pas appartenir à l’institution militaire) de tous les maux. Le plus flagrant des travers de ce dernier, selon Aziz, était de multiplier les voyages aux frais de la princesse. Or Sidioca ne parcourut pourtant jamais quatre continents en une semaine, comme vient de le faire notre président actuel.
Et encore Aziz fait le tour du monde ou presque pour un résultat plus qu’aléatoire: une table ronde sur le Tchad, une conférence sur les sciences et la technologie, des entretiens avec IBK, le président malien, et un discours devant l’assemblée générale de l’ONU.
Rien de vraiment urgent
Rien de véritablement utile, pour un pays dont les maigres ressources devraient plutôt aller aux services de base, au lieu de financer les pérégrinations d’un président fuyant une réalité qui finira bien par le rattraper. Tôt ou tard. Voyons voir : en neuf ans de règne sans partage, qu’a réalisé notre guide éclairé, dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la justice, du partage des ressources, de l’emploi, de la lutte contre la gabegie, de l’industrie, du redressement économique ? Qu’a-t-il fait des milliards que le pays a engrangés, lorsque les prix des matières premières étaient au firmament, et des autres que nous léguerons, à nos générations futures, sous forme de dettes ? Une école par-ci, un dispensaire par-là, une route reliant deux trous perdus méritent-ils un tel tapage ? Il faut bien plus, pour construire un Etat, et ce ne sont pas quelques affaires, manigancées par quelques sombres officines, qui cacheront l’amère réalité.
Après les affaires d’Air Mauritanie, du riz avarié, de l’argent de la BCM, de Biram et de son autodafé, ce pouvoir a, en effet, pris la fâcheuse habitude, chaque fois que la situation devient intenable, de jeter quelque chose en pâture à l’opinion, pour la distraire. Et lui faire oublier un quotidien de plus en plus difficile.
Le plat qui nous est servi, depuis quelques semaines, ne déroge pas à la règle. Des sénateurs, des syndicalistes et des journalistes sont traînés devant la justice, tout simplement parce qu’ils ont osé dire non. On leur a confisqué leur passeport et interdit de quitter Nouakchott, seulement coupables d’avoir bénéficié des largesses d’un mécène. Mais ils ne sont pas les seuls, apparemment. Si l’on en croit les informations publiées par la presse, preuves à l’appui, de hauts responsables encore en fonction sont, eux aussi, allés à la soupe bouamatienne. Ils n’ont pas été inquiétés pour autant. La Mauritanie nouvelle a la mémoire sélective. Ceux qui ne lui obéissent pas au doigt et à l’œil se retrouveront dans sa ligne de mire. Quitte à inventer un nouveau délit: celui de mécénat.
L’article est paru en Mauritanie dans « le Calame », signé par Ahmed Ould Cheikh