Vers un scénario afghan au Mali !

Dans une situation au Mali qui ressemble étrangement à celle que connaissent les Américains en Afghanistan, le président français, Emmanuel Macron, a eu l’intelligence, le 10 juin dernier, d’annoncer un retrait des troupes françaises pour éviter une capitulation en rase campagne face à des groupes armés dont l’influence, à l’instar de celle des Talibans, grandit de semaine en semaine de façon spectaculaire.

Une chronique de Xavier Houzel

La France de Chirac avait accompagné en 2001 les Américains en Afghanistan avec l’opération « Pamir » -les noms donnés par les Français sont toujours plus imagés-, avant de renoncer à les suivre en Irak en 2003.

François Hollande, qui se rend au Mali après le début de l’itervention française, prétend qu’il vit là « le plus beau jour de sa vie politique ».

Le président Hollande interrompit l’opération Pamir en 2014 pour lancer – toujours contre le Terrorisme Islamique mais au Sahel – l’opération « Barkhane », conçue pour remplacer les opérations « Serval » et « Epervier » enclenchées en 2013 au Mali et dans l’ensemble du Sahelavec l’aide secondaire des Américains et l’appui de certains États de la région.

La défausse plus que la reddition

Il s’agit maintenant pour la France de clore simultanément ses propres opérations au Sahel contre le même Terrorisme. Le 10 juin dernier, le président Macron a annoncé la fin de l’opération militaire Barkhane au Sahel, où les troupes françaises vont laisser la place à une « force internationale » dont la composition reste à déterminer, ce qui traduit une évidente impréparation, cache l’indigence du dispositif envisagé et  dénote une prémonition suspecte. Mais l’agenda français démarque le timing américain. Le Français a eu l’intelligence de suivre pour ne pas être planté là, il a eu la finesse d’anticiper. L’exemple donné par l’Américain d’un retrait plus proche de la reddition que de la défausse lui aurait été mortel.

Le Führer, comme vous l’avez compris, n’est pas le Guide Suprême Iranien ! Loin s’en faut, c’est son voisin sunnite, le Leader Suprême des Taliban, Haibatullah Akhundzada. Ce dernier ne réincarne pas comme Hitler « l’empereur Tibère, grand massacreur des juifs » mais il ressuscite le Mollah Omar, le Saoudien Oussama Bin Laden et‎ Ibrahim Awwad Ibrahim Ali al-Badri al-Samarraï dit Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qourachi, le calife à la place du calife de l’État Islamique en Irak ! Eux qui étaient devenus des mythes.

Le chef touareg Iyad Ag Ghali, ennemi public numéro un des Français mais interlocuteur de la junte au pouvoir au Mali

Seulement voilà – ils ont pris corps à nouveau : le chef touareg Iyad Ag Ghali[i], l’émir d’Ansar DineDjamel Okacha, l’émir d’AQMI au Sahara, Amadou Koufa, l’émir de la katiba MacinaAbou Hassan al-Ansari, l’adjoint de Mokhtar Belmokhtar, émir de la katiba Al-Mourabitoune, et Abou Abderrahman El Senhadji le qadi d’AQMI ont annoncé leur rassemblement dans une seule structure – le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) – et prêté allégeance à Ayman al-Zawahiri, l’émir d’al-Qaïda qui a reconnu pour chef unique l’émir des Taliban Haibatullah Akhundzada entré triomphalement à Kaboul. C’est désormais au Leader salafiste de Kaboul que les Français allaient avoir affaire en Afrique. L’Afghanistan devient une forteresse inexpugnable, un sanctuaire à l’échelle planétaire.

Une situation catastrophique

Le processus de négociation que les dirigeants maliens souhaitent poursuivre évoque singulièrement celui qui a conduit les Américains là où ils en sont. Des représentants du gouvernement afghan et des Taliban se sont rencontrés au Qatar à la mi-juillet pour y reprendre des pourparlers déjà engagés depuis des mois pendant que de violents combats continuaient à faire rage. La junte malienne a perpétré deux coups d’état en deux mois.

La situation s’est compliquée avec la mort du président Tchadien Idriss Déby dont l’armée constituait jusqu’alors l’épine dorsale locale de l’opération Barkhane. Ces indices concomitants sont comme des calques en infographie : empilés les uns au-dessus des autres, chacun contenant une partie du tout, ils sont révélateurs d’une situation catastrophique.

[i] Le Touareg Iyad Ag Ghali a été désigné comme chef après la mort d’Abdelmalek Droukdel, émir d’AQMI,  tué par l’armée française le 3 juin 2020 au nord du Mali (remplacé depuis à la tête de l’AQMI pari. Abou Obeida Youssef al-Annabi)

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