De Karim Douichi à Addis-Abeba
Ce vendredi 27 janvier sur le tarmac de l’aéroport de Casablanca, se sont les pages de 33 ans de l’histoire contemporaine du royaume chérifienne qui ont été tournés par Mohammed VI. En prenant l’avion à destination d’Addis-Abeba à fin de participer au 28èmesommet de l’Union Africaine qui va sceller le grand retour de l’une des puissances africaines dans le giron continental. Le vote pour le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine aura lieu lors du sommet des chefs d’Etat le 30 et 31 janvier. Pour le moment, ce ne sont pas moins d’une quarantaine de pays qui se disent prêts à voter pour le retour de Rabat. « Et il pourrait même y a voir de belles surprises, tellement la tendance est favorable au Maroc », nous assure un diplomate ivoirien.
Il faut dire qu’il s’agit là d’un extraordinaire retournement de situation. Pendant 3 décennies, la doctrine diplomatique chérifienne n’a pas bougé par rapport à un point essentiel : l’existence de la République Arabe Sahraouie Démocratique dans les instances africaines. Rabat refusait catégoriquement de siéger aux côtés de ce qu’il considère être un « Etat fantomatique sans présence réelle sur le terrain ». Une position élevée au rang de doxa au Maroc, tellement « l’humiliation » de 1984, quand Hassan II a vu la RASD débarquer dans la défunte OUA, ne passait pas.
Une diplomatie à la testostérone
Mais depuis beaucoup d’eau fraîche a coulé dans les marécages africains. En accédant au pouvoir en 1999, Mohammed VI se rend vite compte de la situation inextricable dans laquelle se trouve le royaume. Le plan Baker proposé par l’ancien secrétaire d’Etat américain James Baker met le Maroc au pied du mur et la majorité des pays africains n’ont que des relations confidentielles avec Rabat. Le roi est conscient qu’il faut reprendre rapidement l’initiative. Il multiplie les voyages en Afrique subsaharienne. Plus de 24 pays visités en une cinquantaine de périples et un succès certain. Mohammed VI se met patiemment et fermement à détricoter l’influence de la diplomatie algérienne. Dans la foulée, le royaume chérifien tisse sa toile économique, déploie son baldaquin spirituel et partage son savoir-faire sécuritaire. Sur le plan économique, les banques, les assurances et sociétés immobilières marocaine mettent le cap sur l’Afrique prenant des longueurs d’avance. Sur le plan spirituel, le « commandeur des croyants » veille à la formation des prédicateurs et des prêcheurs africains, faisant la promotion d’un Islam tolérant et médian. Sur le plan humanitaire, les avions marocains convoient des centaines de tonnes d’aide et érigent des hôpitaux de campagne. Une nouvelle diplomatie à multiples visages voit le jour et s’affirme : décomplexée et résolument offensive.
Défis à relever
Mais, le retour du Maroc dans l’Union Africaine ne sera pas de tout repos. Certes, Rabat ne va pas reconnaître la république sahraouie, mais devra tout de même siéger à ses côtés. Une problématique sur laquelle la diplomatie chérifienne demeure silencieuse. Une fois le Maroc au sein des instances africaines côte à côte avec la RASD, personne n’empêchera cette dernière de faire campagne pour avoir un siège à l’ONU et dans d’autres organisations internationales. Un défi pour le Maroc qui doit décupler d’énergie et d’ingéniosité pour tenir le cap qu’il s’est fixé et même accélérer la cadence… la guerre diplomatique avec l’Algérie ne fait que commencer.