L’enlèvement d’Amir DZ: un mandat d’arrêt contre un diplomate algérien

Un juge d’instruction français a émis le 25 juillet un mandat d’arrêt international contre Salaheddine Selloum, ancien premier secrétaire de l’ambassade d’Algérie à Paris. Selloum, qui a occupé ce poste entre 2021 et 2024, est soupçonné d’« appartenance à une association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation de l’un ou plusieurs crimes », selon une source diplomatique à Paris. Le nom de l’ancien diplomate est apparu dans l’information judiciaire ouverte après l’enlèvement d’Amir Boukhors, plus connu sous le nom d’Amir DZ.

La volonté d’Emmanuel Macron de créer un axe fort entre Paris et Alger qui fut un volet constant de son action internationale a été stoppée nette par sa reconnaissance de la marocanité du Sahara, une décisionqui a renforcé les adversaires de la coopération franco-algérienne au sein de l’institution militaire à Alger

Amir Boukhors, plus connu sous le pseudonyme Amir DZ, est une figure centrale de la scène politico-médiatique algérienne. Lanceur d’alerte redoutable et opposant constant au régime, il a longtemps alimenté les réseaux sociaux avec des révélations explosives sur des responsables civils et militaires algériens. Son enlèvement en région parisienne en 2024 a provoqué une crise diplomatique majeure entre Paris et Alger.

Une ascension numérique

Âgé de 41 ans, originaire de la région de Tiaret, à l’ouest de l’Algérie, Amir Boukhors a quitté clandestinement le pays il y a plusieurs années. Après un passage par l’Allemagne, il s’est installé en France en 2016.

Il s’est rapidement fait connaître en diffusant sur Facebook et YouTube des vidéos dans lesquelles il divulguait des informations sensibles sur les fortunes et les réseaux occultes de hauts responsables algériens, en Algérie comme à l’étranger.

Après le déclenchement du Hirak en février 2019, ces publications lui valent une importante popularité. Sa page Facebook atteint près d’un million d’abonnés, devenant un canal d’information alternatif pour de nombreux Algériens.

Cependant, ises informations provenaient de fuites orchestrées par des factions rivales au sein du pouvoir, comme c’est le cas pour la plupart des journalistes et des opposants qui cherchent à comprendre ce qui se passe en Algérie, avec le risque de servir d’être instrumentalisé dans une guerre d’influence opaque pour le contrôle de l’État en relayant des documents sinon compromettants, du moins tenus secrets.

Condamnations en Algérie

Les autorités algériennes ont émis plusieurs mandats d’arrêt internationaux contre Amir Boukhors. Il a été condamné par contumace à de lourdes peines de prison par le tribunal criminel de Dar El Beida pour des accusations multiples dont notamment « atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité de l’État », « Réception de fonds de l’étranger à des fins subversives », « Diffamation, chantage et atteinte à la vie privée ».

Le 21 septembre 2022, la Cour d’appel de Paris a rejeté toutes les demandes d’extradition formulées par l’Algérie, estimant que les accusations portées contre Amir Boukhors n’étaient pas étayées par des preuves suffisantes et qu’il risquait une persécution politique en cas de renvoi dans son pays.

Le 2 octobre 2023, l’OFPRA lui accorde officiellement le statut de réfugié politique, ce qui constitue un désaveu pour le régime algérien.

L’enlèvement d’Amir DZ: l’erreur de trop 

Fin avril 2024, Amir Boukhors est enlevé en région parisienne par des individus se faisant passer pour des policiers. Il est contraint d’avaler des somnifères puis séquestré pendant 27 heures dans un conteneur à Pontault-Combault, en Seine-et-Marne.

Selon son témoignage, l’un des ravisseurs aurait affirmé qu’un responsable algérien souhaitait lui parler, mais aucun émissaire ne se serait finalement présenté. Il a été relâché et entendu par la police française. Les conditions acrobatiques de cette opération de basse police révèlent la dégradation du fonctionnement des services algériens, minés par des évuctions brutales, la baisse de niveau de l’appareil sécuritaire longtemps craint pour son efficacité et ses ‘méthodes et l’improvisation d’agents livrés à eux mêmes et sous traitants leurs opérations d’intimidation contre les opposants en France à des sans papiers gitans ou autres et à des petits délinquants.

En avril 2025, trois hommes, dont un employé du consulat d’Algérie à Paris, sont mis en examen. Le parquet national antiterroriste (PNAT) ouvre une information judiciaire pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie de libération avant le septième jour, en relation avec une entreprise terroriste ».

Crise sans fin entre Paris et Alger

La mise en examen d’un agent consulaire algérien provoque la colère d’Alger. Dans un geste de représailles, le gouvernement algérien expulse 12 agents de l’ambassade française à Alger, dont des membres du contre espionnage français (DGSI) chargés d’appliquer l’accord sécuritaire de 2022 entre les deux pays qui fonctionnait de façon très efficace et dont la suspension a été regretté publiquement à Paris par la patronne de la DGSI

L’affaire Amir DZ s’inscrit dans un contexte tendu entre Alger et Paris, marqué par une série d’épisodes ayant sérieusement dégradé les liens bilatéraux — notamment la reconnaissance française du plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal et sa condamnation confirmée en appel pour la mise en cause des frontières de l’Algérie, un délit dans le droit algérien, , ainsi que des divergences persistantes sur les questions migratoires, mémorielles et sécuritaires.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)