Tunisie, Mondher Zenaidi, victime de la folie de Kaïs Saïed

Comme tout Tunisien de l’après 25 juillet 2021 désireux de rompre avec le régime de la dictature et les violations des droits et libertés fondamentales, Mondher Zenaidi s’est présenté à l’élection présidentielle du 6 octobre 2024 face à Kaïs Saïed. Un geste perçu comme un véritable péché par le pouvoir en place.

Sa candidature, comme d’autres candidatures sérieuses, a été refusée par une instance électorale -ISIE- entièrement nommée par Kaïs Saïed, en violation flagrante de la légalité, y compris au regard de sa propre constitution de 2022.
Pourtant, la plus haute formation du Tribunal administratif a annulé ce refus et ordonné la réintégration de M. Zenaidi dans la liste des candidats. Mais l’ISIE a refusé d’obtempérer et a maintenu son exclusion, en toute illégalité, tout comme elle l’a fait pour deux autres candidats. Car oser se présenter face à Kaïs Saïed est désormais perçu comme un crime, et puni comme tel.

Mondher Zenaidi a ensuite été renvoyé devant la chambre criminelle du pôle antiterroriste du Tribunal de première instance de Tunis, à la suite d’une décision de la chambre d’accusation de la Cour d’appel, toujours du même pôle.

Une avalanche d’accusation extravagantes

Dans un procédé devenu courant dans les affaires politiques, la liste d’accusations est aussi longue qu’absurde :

  • Constitution d’une entente terroriste en lien avec des crimes terroristes ; fourniture de fonds, matériel, moyens de transport, documents, sites électroniques, au profit d’une organisation terroriste.
  • Publication ou transmission d’informations sensibles au bénéfice de groupes terroristes.
  • Complot en vue de commettre des attentats contre les personnes et les biens.
  • Complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État.
  • Incitation à la violence, à la guerre civile, à la division nationale.
  • Expression d’un avis favorable à un complot contre la sécurité intérieure.
  • Nuisance délibérée via les réseaux de télécommunication.
  • Utilisation des réseaux numériques pour produire et diffuser de fausses rumeurs, documents falsifiés ou attribués à autrui, dans l’objectif de porter atteinte à la sûreté publique et semer la terreur.

Un cocktail d’infractions fourre-tout, devenu la norme dans les procès politiques. Aucun élément matériel ne permet de justifier ces accusations, encore moins de les qualifier d’actes terroristes. Mais qu’importe : la chambre de première instance, fidèle exécutante des décisions du pouvoir, a condamné M. Zenaidi à 19 ans de prison, avec exécution immédiate, et ce, en son absence.

Une peine à la mesure de la peur du pouvoir

Cette condamnation grotesque n’est pas proportionnée à des faits, puisqu’ils sont inexistants, ni même aux éléments à décharge pourtant manifestes dans le dossier. Elle est proportionnée à une seule chose : la phobie de Kaïs Saïed.

Phobie de voir émerger une personnalité disposant d’une légitimité politique, d’un parcours public reconnu et d’une vision alternative pour le pays, susceptible d’incarner une voie de sortie du blocage actuel.
Kaïs Saïed orchestre un acharnement judiciaire systémique, destiné à vider la scène politique, et ainsi se garantir le monopole du pouvoir par le vide.

Le CRLDHT

  • Réaffirme son soutien total à Mondher Zenaidi, ainsi qu’à toutes les victimes de l’exclusion politique, des détentions arbitraires et des violations du droit à un procès équitable.
  • Condamne fermement la politique systématique de répression du régime, visant à anéantir toute voix dissidente et à étouffer toute alternative politique aux échecs retentissants de Kaïs Saïed et de son système défaillant.
  • Rappelle son appel aux Tunisiennes et Tunisiens à une résistance pacifique, lucide et déterminée, pour reprendre en main leur destin collectif, renouer avec la transition démocratique et bâtir un avenir meilleur, en tirant les leçons des expériences passées.

 

le 24 décembre 2025

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)