Tony Blair, le digne héritier de la Françafrique

Déjà conseiller de plusieurs chefs d’Etat africains autoritaires (Alpha Condé, Paul Kagame…) et à la tète d’un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros, l’ex Premier ministre du Royaume Uni, Tony Blair, vient d’ajouter un nouveau client à son palmarès
: le Président malien Bah Ndaw.

Le Premier ministre malien, M.Moctar Ouane, a reçu, lundi 22 mars 2021, l’ancien Premier ministre Britannique, Tony Blair, fondateur du « Tony Blair Institute for Global Change »

Mais qu’est venu faire Tony Blair au Mali? Officiellement, l’ancien Premier ministre anglais s’est rendu à Bamako pour aider les autorités de transition à élaborer la feuille de route
des changements constitutionnels et de l’organisation des élections
présidentielles. Quand on connait les éléments de langage que Tony Blair a distillés en Guinée, au Togo ou au Rwanda, on est inquiet sur le processus démocratique qui va se jouer à Bamako.

Réformes en eaux troubles…

Pourquoi diable, le président malien a-t-il besoin de l’Institut TBI de
Tony Blair pour régler des problèmes institutionnels et surtout
organiser des élections ? Après le coup d’Etat d’août 2020 et des
négociations serrées avec la Cedeao, les colonels au pouvoir s’étaient
engagés à organiser une présidentielle dans les 18 mois.

Or, les autorités de la transition n’ont montré jusqu’à présent aucun
empressement à préparer ce scrutin. Les Maliens les soupçonnent de
louvoyer pour faire durer le plaisir du pouvoir. Il a fallu que les
Américains tapent du poing sur la table et leur demande de respecter
leur calendrier pour que le Premier ministre, Moctar Ouane publie enfin
un chronogramme.

Selon ce document, le premier tour de l’élection
présidentielle couplé aux législatives aura lieu le 27 février 2022.

Un planning incertain

Est-ce à dire que ce planning sera tenu ? Rien n’est moins sûr et c’est
précisément là où l’intervention de Tony Blair devient intéressante.
Le président Bah Ndaw, son Premier ministre et les colonels ont corrélé
l’élection présidentielle à un changement constitutionnel entériné par
un référendum qui devrait avoir lieu à la fin de l’année 2021. En clair
: pas de référendum, pas d’élection.

Notons en outre, qu’aucune date n’est fixée. Deux scrutins en moins de trois mois c’est beaucoup
dans un pays qui ne contrôle plus qu’une petite partie de son territoire
; que les caisses de l’Etat sont vides …  Mais ce n’est que le
sommet de l’iceberg.

Modifier la Constitution est l’affaire de tout un peuple et de tous les
partis politique. La société malienne ne demande qu’une chose :
participer au débat. Or, ce dialogue est confisqué par les colonels au
pouvoir qui ont créé un obscur Conseil d’orientation stratégique (COS)
composé d’une cinquantaine de personnalités triées sur le volet, de six
experts et d’un secrétariat permanent chargé de réfléchir aux réformes
politiques et institutionnelles. Est-ce sur les conseils de Tony Blair
que ce « machin » dispendieux a été créé ? A quelles fins ?

La stratégie, la voici: il s’agit de donner des gages de pseudo bonne volonté en étouffant tout débat. L’opposition refuse le changement de constitution et semble prendre la responsabilité du blocage de la dynamique démocratique. La boucle est bouclée: pas de référendum, pas d’élection.
Tony Blair est un expert…

 Des conseils douteux à Alpha Condé 
 
L’ancien Premier ministre britannique conseille les chefs d’Etat
habitués aux changements de constitution pour lever le verrou des deux
mandats et s’éterniser au pouvoir, à l’instar de Paul Kagamé ou de Faure
Gnassingbé. En 2013, Tony Blair est venu au secours de son ami Alpha
Condé dont l’image avait été écornée par la très vilaine répression
d’une manifestation de l’opposition qui avait fait 9 morts et plus de
130 blessés. Son Institut avait alors pondu une note stratégique qui
avait malheureusement fuité sur internet.

Que proposait donc cette missive ? Un calendrier de négociations avec des concessions à
l’opposition pour obtenir le report de l’élection !

Ce document reconnaissait en outre que  ses propositions seraient, sans
aucun doute, rejetées par ladite opposition, mais ajoutait-il « Nous
devons ensuite être en mesure de répondre rapidement au rejet de cette
offre par l’opposition et tout ce qui va s’en suivre, manifestations,
etc., dans les jours qui suivent ».  Tout un programme démocratique !


Bien entendu, ces cyniques conseils d’amis ne sont pas gratuits, TBI
réalise bon an mal an 40 millions d’euros de chiffre d’affaire, quant
aux émoluments personnels de son fondateur, mystère. Qui paye l’addition
au Mali ? Le Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères,
Josep Borell a déclaré lors de son récent passage à Bamako : « On est
prêt à augmenter le soutien financier dans l’exigence mutuelle. Apporter
plus de ressources financières pour financer les élections, pour
financer les réformes structurelles, pour financer le déploiement de
l’État, mais en échange de résultats tangibles dans un partenariat
mutuellement exigeant. »

Manquerait plus que les impôts des Européens
financent la prime au coup d’Etat et le recul démocratique…