Le 20 juin 2025, à Vains dans la Manche, l’icône du reggae ivoirien Tiken Jah Fakoly s’est produit en acoustique dans le cadre du Green River Valley Festival. Une performance attendue dans un format intimiste, au cœur d’un événement éco-responsable et engagé.
Une flamme acoustique dans la vallée de la Sélune
Après un printemps marqué par plusieurs concerts remarqués, notamment à Rabat, à Paris et à Abidjan, Tiken Jah Fakoly s’apprête à poser sa guitare dans un cadre pour le moins singulier : la vallée de la Sélune, en Normandie. Ce 20 juin 2025, l’artiste est l’invité principal de la première soirée du Green River Valley Festival, un événement à taille humaine qui se distingue par sa démarche éthique et sa programmation alternative.
Le choix d’un set entièrement acoustique ne doit rien au hasard. Depuis quelques années, Tiken Jah Fakoly multiplie les formats dépouillés, renouant avec l’essence de sa musique : une parole directe, un rythme organique, une proximité avec le public. À Vains, commune rurale à quelques kilomètres du Mont-Saint-Michel, il interprétera ses titres phares dans un dispositif scénique réduit : guitare, percussions traditionnelles, balafon. Un retour aux fondamentaux, loin des grandes scènes et des effets spectaculaires.
Le public attend notamment des morceaux emblématiques comme « Plus rien ne m’étonne », « Le pays va mal » ou encore « Africains », qui retracent ses engagements politiques et panafricanistes. Depuis plus de trois décennies, Tiken Jah Fakoly porte un reggae de combat, ancré dans les réalités sociales du continent africain, mais aussi dans les fractures du monde contemporain. À l’instar de ses références historiques – Bob Marley, Alpha Blondy, ou encore Thomas Sankara qu’il cite souvent – il considère la musique comme un levier d’éveil collectif.
Lors de cette soirée normande, l’accent sera mis sur l’écoute, l’intensité du propos et la chaleur du lien humain. Selon les organisateurs, l’enjeu est de proposer un moment d’attention partagée, en phase avec les valeurs du festival : autonomie énergétique, circuits courts, sensibilisation environnementale. Créé en 2020, le Green River Valley Festival a gagné en notoriété pour sa programmation singulière, mêlant musiques du monde, électro, reggae, dub et expérimentations sonores. Il attire un public jeune, engagé et éclectique.
La présence de Tiken Jah Fakoly constitue donc un moment fort de cette édition. Elle s’inscrit aussi dans une logique de continuité. Depuis quelques années, l’artiste ivoirien adopte une posture de « sage engagé », alliant critique des pouvoirs en place et appel à la jeunesse. Dans ses concerts récents, il n’hésite pas à évoquer les dérives autoritaires en Afrique, les migrations contraintes, les défis écologiques, mais aussi les élans de résistance. À Vains, il devrait interpeller directement les jeunes générations, qu’il considère comme les principales actrices du changement.
Musicalement, le concert oscillera entre ballades introspectives et rythmes mandingues, entre reggae roots et influences traditionnelles ouest-africaines. Ce dialogue entre les continents est au cœur de sa démarche. Né en Côte d’Ivoire, installé au Mali, Tiken Jah Fakoly revendique une africanité ouverte, diasporique, capable de parler à l’Europe comme à l’Afrique. Ses textes, souvent écrits en français mais ponctués de bambara, mêlent références politiques, récits populaires et spiritualité laïque.
Avant son passage, la chanteuse brésilienne Flavia Coelho ouvrira la soirée avec un set afro-tropical et solaire, fusionnant samba, forró, reggae et hip-hop. En clôture, le collectif L’Entourloop proposera un set dub digital festif, dans un esprit plus dansant. Mais c’est bien le moment acoustique de Tiken Jah Fakoly qui cristallise l’attention, à la croisée de l’intime et du politique.
L’équipe du festival mise sur une réception attentive, dans un cadre naturel exceptionnel. Installé à flanc de vallée, le site offre une acoustique naturelle et une atmosphère propice au recueillement comme à la fête. En amont, des ateliers de sensibilisation, des conférences et des projections documentaires prolongent la démarche du festival. Cette année, plusieurs focus sont consacrés aux luttes paysannes, aux mouvements écologistes en Afrique de l’Ouest, et à la transmission des mémoires orales.
Dans un contexte où de nombreux festivals cèdent aux sirènes du divertissement standardisé, le Green River Valley Festival assume une ligne différente : moins de têtes d’affiche, plus de sens. La venue de Tiken Jah Fakoly en acoustique incarne cette orientation. Elle rappelle que la musique peut être une parole publique, une mémoire collective, et un moyen d’agir, y compris depuis une prairie normande, face au Mont-Saint-Michel.