Les mauvaises manières faites par le président tchadien Idriss Deby Itno à la compagnie pétrolière américaine Exxon Mobil pourraient expliquer la décision du département d’Etat de placer le Tchad en quarantaine.
En ajoutant le Tchad sur la liste noire des Etats dont les ressortissants sont interdits d’entrée sur le territoire des Etats Unis, le président Trump a surpris de nombreuses chancelleries et bien entendu les Tchadiens qui tombent des nues.
Accompagnant la Corée du Nord et le Vénézuela, le Tchad rejoint donc l’Irak, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen qui avaient déjà été listés dans le décret appelé » exécutive order », du 27 janvier 2017. La « protection de la Nation contre l’entrée de terroristes islamistes » était le motif de cette première liste.
L’alibi du terrorisme
La liste additionnelle du 24 septembre 2017, qui devrait prendre effet le 18 octobre prochain, ne semble pas avoir le même motif. En effet, la Corée du Nord et le Vénézuela ne sont pas réputés pour abriter des islamistes.
Quant au Tchad, même si le Département d’Etat invoque un « manque de collaboration » et fait état d »un soit-disant laxisme des autorités tchadiennes, sur leur sol, envers les djihadistes, le ministère des Affaires étrangères américain reconnaît néanmoins les mérites du Tchad dans la lutte contre les terroristes islamistes, au Sahel et contre Boko Haram.
Le véritable motif pourrait être beaucoup plus financier que politique. L’actuel secrétaire d’Etat, le Texan Rex Tillerson, a été, durant plusieurs décennies, un des responsables du major Exxon Mobil, dont il a présidé la destinée de 2006 au 31 décembre 2016, avant sa future nomination par le président Trump.
Des enjeux financiers colossaux
Exxon Mobil fait partie du consortium qui exploite le pétrole du gisement de Doba, situé à la frontière centrafricaine. Depuis 2009, Exxon Mobil est en contentieux avec la Douane et le fisc du président Idriss Deby Itno.Un accord amiable avait permis d’éviter à Exxon Mobil une amende colossale de plus de 70 milliards de dollars.
Il semblerait que cet accord ait été partiellement remis en cause par les autorités tchadiennes. L’ancien patron d’Exxon Mobil a aussi constaté que les tracasseries tchadiennes se multipliaient envers le major Texan, d »autant que la crise du pétrole a mis l’Etat tchadien au bord de la banqueroute.
Rex Tillerson avait donc quelques motivations pour inciter le président Trump à inscrire le Tchad sur la liste noire, en attendant que Idriss Deby Itno se montre plus compréhensif avec Exxon Mobil.
Le régime tchadien isolé
L’hostilité de Rex Tillerson face au Tchad n’est pas nouvelle. N’avait-il pas déjà fait un camouflet, mi-avril 2017, au Tchadien Moussa Faki Mahamat, ancien ministre des Affaires étrangères d’Idriss Deby Itno et président de la Commission de l’Union africaine, porte-voix du président tchadien, en l’invitant à Washington pour vouloir le faire recevoir ensuite par le numéro 4 du Département d’Etat. Le Tchadien, très mécontent, avait annulé cette rencontre.
De même, Idriss Deby Itno a renoncé à prendre part à la 72 ème session de l’Assemblée générale de l’ONU. Ni Tillerson ni Trump n’étaient disposés à recevoir le président tchadien qui s’est montré trop peu collaborateur avec la Compagnie pétrolière Exxon Mobil.
Outre la fâcherie avec la France du président Macron, notamment au sujet de la Libye et du franc cfa, un désengagement des Etats Unis au Tchad, sur les plans militaires et budgétaires, pourrait rendre problématique le nouveau mandat présidentiel d’Idriss Deby Itno qui n’ignore pas l’influence des Etats Unis et de la France à l’ONU, au FMI et à la Banque Mondiale.