La Syrie et l’Arabie saoudite se sont accordées sur la réouverture de leurs ambassades respectives après avoir rompu leurs liens diplomatiques il y a plus de dix ans, ont fait savoir trois sources proches du dossier.
Depuis une décennie, le président syrien Bachar al-Assad a vécu comme un pestiféré. Or aujourd’hui, nombre de dirigeants arabes qui évitaientde lui adresser la parole, se rendent volontiers à Damas. Le tremblement de terre qui a dévasté une partie de la Turquie et de la Syrie ( près de 50000 ports) a représenté une formidable opportunité de briser la glace.
Des pourparlers menés à l’origine par la Jordanie ont jeté les bases d’une aide à la reconstruction d’un pays qui a été dévasté par la guerre civile, aux prises avec une guérilla islamiste sunnite et en butte au séparatisme kurde. Les pays arabes ont proposé une aide de plusieurs milliards de dollars et se sont engagés à faire pression sur les puissances américaine et européenne pour lever les sanctions contre le gouvernement de M. Assad.
En échange, M. Assad entamerait des discussions avec l’opposition politique syrienne, accepterait des troupes arabes pour protéger les réfugiés qui reviennent de Turquie, réprimerait le trafic de drogues qui finance la guérilla et demanderait à l’Iran de ramener ses troupes à Téhéran.
À l’ordre du jour de la Ligue arabe
Plus de dix ans après cette rupture, la réintégration de la Syrie est à l’ordre du jour du prochain sommet de la Ligue arabe. Ainsi la Jordanie et l’Égypte ont envoyé leurs ministres des Affaires étrangères à Damas, ce qui n’était pas arrivé depuis 2011. Les Émirats arabes unis ont fait du retour de M. Assad dans le giron arabe une priorité. Le président des Émirats arabes unis, Cheikh Mohamed bin Zayed Al Nahyan, a accueilli le dirigeant syrien à Abou Dhabi l’année dernière.
Ces Etats arabe tiennent le raisonnement suivant: le boycott de la Syrie a renforcé l’influence de l’Iran dans la région. Par conséquent, de meilleurs liens avec M. Assad aideraient à réduire l’influence de l’Iran dans la région. Le Qatar, le Koweït et le Maroc ne sont pas sur cette ligne. Ils n’ont pas envoyé d’aide aux territoires contrôlés par le régime.
Peut-on raisonnablement imaginer que Bachar al Assad, – à supposer qu’il en ait le pouvoir à la tète d’un pays dévasté et fragmenté -, invite les troupes iraniennes à quitter la Syrie? Téhéran ne renoncera pas de lui même à son alliance privilégiée avec Damas
L’onction séoudienne
Les pourparlers ne font que commencer. Le président syrien n’aurait guère montré d’enthousiasme à l’idée de promouvoir une démocratie de type parlementaire, ou d’accueillir des troupes arabes. Quant aux Européens, il n’ont manifesté aucune volonté de mettre fin aux sanctions sévères qui pénalisent les violations des droits de l’homme en Syrie.
Toutefois, les tremblements de terre qui ont dévasté la Turquie et la Syrie, tuant 6 000 personnes en Syrie, pourraient redonner un élan aux pourparlers. D’autant que l’Arabie Saoudite, l’État arabe le plus puissant et l’un de ceux qui ont le plus farouchement résisté au rapprochement avec M. Assad, montre désormais de l’intérêt envers M Assad. Le mois dernier, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a appelé à la fin de l’isolement de la Syrie, estimant que le boycott avait été contreproductif.
Ce changement de ton de l’Arabie Saoudite semble-être une des conséquences de la sortie de ce pays du giron américain. Faute d’avoir obtenu ce qu’il souhaitait le plus de la part de Washington, à savoir une ombrelle militaire contre une éventuelle agression de l’Iran et la mise en place d’une industrie nucléaire civile, l’Arabie Saoudite a renoué des liens diplomatiques avec l’Iran dans le cadre d’un accord négocié par la Chine.
Vers un nouvel ordre moyen oriental
Le réalignement géopolitique en cours fait de l’Iran le pivot d’un nouvel ordre moyen oriental. Les Etats Unis vont-ils être évincés au profit d’un nouveau parrain, la Chin? Autrefois contrôlée d’une main de fer par la famille Assad, la Syrie est aujourd’hui une province de l’Iran et de la Russie. Ces deux pays ont aidé la famille Assad a repousser les rebelles sunnites qui cherchaient à le renverser. Le gouvernement Assad contrôle maintenant une grande partie du pays, à l’exception du nord-est contrôlé par les Kurdes et de la province d’Idlib, dans le nord-ouest du pays, contrôlée par les djihadistes.
En 2011, la Ligue arabe et ses 22 Etats membres, a suspendu l’adhésion de la Syrie et imposé des sanctions pour punir la répression brutale des rebelles sunnites emmenés par les Frères Musulmans et acharnés à renverser le pouvoir des Assad. Les États-Unis et l’Europe ont également imposé des sanctions strictes au gouvernement syrien et aux entreprises liées à la famille Assad.
Les occidentaux méfiants.
Convaincre les États-Unis et l’Europe de lever les sanctions contre M. Assad et ses associés est un autre enjeu. Pour l’instant, Européens et Américains campent sur un crédo moral : l’aide au peuple syrien en difficulté ne doit pas passer pour une absolution donnée à un criminel de guerre. Bashar al Assad est considéré comme responsable de la mort de centaines de milliers de Syriens, notamment en raison de l’utilisation d’armes chimiques.
Le porte-parole du département d’État, Ned Price, a aussi fait savoir que des élections libre amèneraient les Etats Unis à réviser leur attitude. Et l’UE a exclu d’inviter le gouvernement syrien à une conférence des donateurs. Bref, les occidentaux prévoient de reconstruire la Syrie sans serrer la main de Bashar al Assad auparavant.
Pour Bashar al Assad, le temps presse, car le pays est au bord de l’effondrement économique et social. L’Iran ne peut pas et ne veut pas subventionner la Syrie outre mesure. L’Iran est à court d’argent, et a déjà suspendu les livraisons de carburant et de médicaments à la Syrie. Téhéran se félicite du rapprochement avec les pays arabes, mais rien n’indique que les mollahs sont prêts à réduire leur présence militaire en Syrie. Rien n’indique que les pays du Golfe sont prêts à sortir leur carnet de chèques sans contreparties.
Le 20 février, M. Assad s’est envolé pour Oman pour rencontrer le sultan Haitham bin Tariq. il klu a demandé de faire pression sur les pays occidentaux pour qu’ils lèvent temporairement les sanctions en échange de l’ouverture de points de passage pour l’aide humanitaire en direction des zones rebelles. Sans parler d’éventuels investissements saoudiens en Syrie qui pourait accepter de ralentir l’exportation de captagon, un stupéfiant qui rapporte aux caisses de l’Etat environ 10 milliards de dollars.
Drogue, djihad, Iran, Chine, Russie, Israël… l’Orient n’a jamais été aussi compliqué.
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