Chapeau bas à Lionel Zinsou, le Premier ministre du Bénin, qui dès le lundi 21 mars 2016 dans la matinée a téléphoné à son rival, l’homme d’affaires millionnaire et nouveau président du Bénin, Patrice Talon, pour reconnaitre sa victoire à l’issue d’une campagne présidentielle exemplaire. Soutenu par le chef d’Etat sortant, Thomas Beni Yayi, cet ancien conseiller de Laurent Fabius, a vraiment mouillé sa chemise et …foulé son poignet en s’engageant dans les bains de foule exténuants de ce processus électoral. Lui qui était promis à une belle et paisible carrière en Europe où il est salué comme un excellent banquier d’affaires a pris des risques.
Haine anti française
Le seul tort finalement de Lionel Zinsou aura été d’endosser la totalité de l’héritage du chef d’Etat sortant, Tomas Beni Yayi, y compris les quelques turpitudes financières que ce dernier traine avec lui. C’est peu, par les temps qui courent. Et rien n’indique que le troisième tour judiciaire qui devient un passage obligé en Afrique n’entrave pas les alternances politiques souhaitables.
Pour une fois, la diplomatie française, en soutenant Lionel Zinsou, avait misé sur le bon cheval. Et bien la nouveauté, la voici: le soutien français qui aurait pu être une carte maitresse pour Lionel Zinsou s’est retourné contre lui, et souvent de la façon la plus clairement haineuse.
Comment ne pas entendre l’avertissement? Une partie du peuple béninois n’a pas voulu d’un Zinsou libéral, moderne et ouvert parceque trop blanc et trop lié aux intérêts français. La démocratie lorsque par bonheur elle fonctionne en Afrique de l’Ouest ne favorise guère les amis de la France, généralement perçus comme acoquinés à des régimes corrompus et autoritaires. La Françafrique laisse des cicatrices.
Feux oranges
Au Niger, où un proche de François Hollande et membre de l’internationale socialiste, le président Issoufou, devrait être reconduit dans ses fonctions à l’issue d’un scrutin totalement fraudé, où son principal opposant, Hama Amadou, aura fait campagne successivement dans une cellule de prison puls une chambre d’hôpital, la France aura brillé par son silence pesant. La réouverture de deux mines par Areva, confie-t-on en haut lieu, vaut bien qu’on passe son tour.
Au Congo, l’Elysée a également montré beaucoup de mansuétude lorsque le président Sassou organise des plébiscites pour modifier la constitution, fait tirer sur la foule durant la campagne présidentielle ou n’hésite pas à envoyer la force publique, durant la journée de dimanche, pour réprimer les malheureux citoyens congolais qui tentent de surveiller le dépouillement/ Le tout sur fond d’interruption de l’ensemble des communications sur internet entre le Congo et le reste du monde. Là aussi, on sait se souvenir que notre ami Sassou a mis la main à la poche pour nous aider àfinancer la COP 21 et a fait de la France le premier partenaire commercial du Congo.
Place aux « démocratures »
Dans ces deux pays, il s’agit évidemment d’un alliage improbable entre des formes démocratiques et une réalité restée dictatoriale. Le joli néologisme de « démocratures » est parfaitement adapté à des régimes. Leur seul souci, durant ces scrutins qui n’en sont pas, est d’offrir un abord présentable à la communauté internationale. Encore faut-il savoir négocier avec les forces sociales et politiques en présence pour rendre acceptables ces parodies de démocratie. Or Issoufou et Sassou ont perdu la main, condamnés à la seule manière forte.
Face à ces gesticulations, François Hollande et son gouvernement se réfugient dans un autisme coupable, une sorte de feu orange que l’on envoie à ces régimes discrédités. Passez en force, mais évitez la casse. Résultat: le divorce s’accentue entre la France et les peuples d’Afrique de l’Ouest. Le capital de sympathie de la patrie des droits de l’homme se réduit comme peau de chagrin.
Le succès de messieurs Sassou et Issoufou sont autant de défaites françaises..
Le Cap Vert, démocratie exemplaire
S’il existe bien en Afrique une démocratie exemplaire, c’est, en dehors de la petite et remarquable Ile Maurice, le modeste Etat du Cap Vert, où le parti d’opposition l’a emporté dimanche. Le diplomate français Didier Niewiadowski, longtemps en fonctions dans ce pays, analyse les ressorts d’un succès. « Les ethnies n’existent pas au Cap-Vert, contrairement à la Guinée Bissau, pays frère dont il s’est opportunément détaché, en 1980. Le sentiment national est très fort, à peine modulé par les identités insulaires et l’expatriation. Outre le métissage, l’importante diaspora, presque équivalente à la population de l’archipel, soit environ 500 000 citoyens, est attentive au développement harmonieux du pays. Les femmes jouent un rôle éminent dans l’économie et la politique. Elles occupent de nombreux postes ministériels régaliens et sont très actives dans les affaires ».
Ce que notre diplomate aurait pu ajouter, c’est que la France n’exerce aucune influence au Cap Vert. Ce qui semble désormais une condition sine qua non pour réussir en Afrique une transition démocratique.