Sommet N’Djamena (volet 6), une armée malienne en pleine déconfiture

La réalité des forces militaires maliennes semblent très éloignées du conte de fée raconté par Florence Parly, ministre française des Armées dans l’enceinte du Sénat. La méthode Coué n’a jamais transformé une fable en vérité…

Parmi les vrais problèmes qui se posent à la lutte anti terroriste au Sahel, se pose celui de l’état des armées nationales. Leur impréparation à la guerre asymétrique contre le terrorisme, leur manque de moyens et les exactions commises sont autant de pierres dans le jardin de la story telling qu’essaye de vendre Florence Parly répétant que  ces mêmes armées ne cessent de progresser. La réalité est beaucoup plus nuancée, à l’instar des difficultés rencontrées par l’armée au Mali.

Combien de divisions ?

Dans le classement des puissances militaires africaines, le Mali arrive en 17ème position, mais si l’on ne retient que l’Afrique de l’Ouest, il figure en deuxième place, derrière le Nigéria et devant le Burkina-Faso. Ce genre de hit-parade est à relativiser. Des critères, 50 dans le cas précis, comme les effectifs, l’armement, le budget, sont entrés dans un tableau excel et moulinés dans l’ordinateur, sans analyse plus fine.

Dans le cas du Mali, les auteurs de ce classement ont dû avoir quelques difficultés pour connaître précisément le nombre de militaires en activité puisque celui-ci est classé secret défense. Selon un officier malien, il serait environ de l’ordre de 15000, mais cela reste très approximatif.

S’il est impossible de connaître les chiffres ce n’est pas pour tromper l’ennemi. Le flou permet aux apparatchiks de détourner les soldes et de réaliser des marges sur le montant de celles-ci. La corruption des dites armées étant un autre sujet préoccupant

Des soldats à bout

Si le nombre est relatif, ce qui est certain en revanche c’est que l’armée est en sous-effectif. Les militaires sont nombreux à ne pas rejoindre leur théâtre d’affectation, toujours selon l’officier supérieur. Parfois plus d’un tiers de l’effectif manque à l’appel.

Les raisons sont diverses, certains ont été blessés et mal soignés, d’autres souffrent de syndromes post-traumatiques après avoir vu leurs nombreux frères d’armes tombés sur le champ de bataille. Au Mali, la dépression n’existe pas, pas de cellule psychologique, les manquants sont purement et simplement radiés.

Depuis 2012, l’armée malienne est sur tous les fronts, harcelée jour et nuit et n’a pas eu un temps de répit. De plus, toute une génération de militaires aguerris et bien formés est en train de partir à la retraite, ils sont remplacés par des jeunes inexpérimentés qui sont envoyés au combat sans encadrement adéquat. Pas étonnant alors que les pertes soient nombreuses. 

Une armée divisée

A ce turn-over extraordinaire, il faut ajouter la mauvaise ambiance qui règne dans les casernes. Avec le coup d’Etat du 18 août 2020 et l’arrivée des militaires, de nombreux soldats espéraient voir leurs revendications aboutir. Il n’en a rien été. Les primes promises n’ont pas été versées, la fameuse prime générale d’alimentation (PGA), de 1000 frcs cfa par jour pour les militaires en mission, continue d’être réglée de manière aléatoire.

Les munitions manquent toujours lors des combats. Seules les forces spéciales anciennement dirigées par Assimi Goïta, un des colonels auteurs du putsch, devenu vice-président, restent bien dotées tout comme la Garde nationale. La profonde fracture entre l’élite des officiers supérieurs jouissant de grands privilèges et le reste d’une armée démunie demeure, nourrissant ainsi la colère et un sentiment de profondes injustices.

Pactes de non agression

Sur le terrain rien n’a changé. Si les groupes armés terroristes ne font plus d’attaques aussi spectaculaires que celles des camps de Boulikessi et Mondoro en 2019 qui avaient fait plus de 60 victimes, ils continuent d’harceler l’armée malienne. Depuis le début de l’année 2021, celle-ci a encaissé de rudes coups avec l’assaut du camp de Boni dans le cercle de Douentza le 3 février où 10 soldats ont été tués. Auparavant il y avait celui de Boulkessi et Mondoro le 23 janvier avec 6 morts et 18 blessés ; la veille trois membres de la Garde nationale avaient sauté sur une mine dans la même région…

Sur le plan sécuritaire, la donne n’a pas été modifiée non plus. L’armée n’a pas progressé dans son occupation du terrain, elle ne tient toujours que les périmètres des grandes villes. En dehors, dans tout le monde rural, l’Etat est totalement absent. Ce sont les djihadistes qui font leur loi.

Dans certaines régions, les militaires ont passé des pactes de non-agression avec les groupes armés « vous pouvez venir vous approvisionner dans la ville mais sans vos armes et laissez-nous tranquille » et ce pacte tient.

Car comme l’explique un membre des forces spéciales, blessé à plusieurs reprises lors de combats, « l’armée malienne ne peut pas gagner contre les terroristes. Structurellement une armée n’est pas faite pour chercher des gens en moto qui se cachent derrière les arbres. Ni nous, ni les hommes de Barkhane qui sont de vrais professionnels et pour lesquels nous avons beaucoup d’estime ne pouvons gagner ce combat. »