La guerre en Ukraine est-elle à nos portes, comme le suggèrent les services américains. Washington menace Moscou de « répercussions sévères et rapides ». Le Kremlin dénonce « une hystérie américaine à son apogée ».
Qui a raison? Et qui a tort? La partie de poker est engagée entre Russes et Américains en Ukraine, mais bien au delà en Syrie et en Afrique.
Une chronique de Joelle Hazard
Depuis fin 2021, les Russes ont déployé des dizaines de milliers d’hommes le long de la frontière ukrainienne et mènent de grandes manœuvres en Mer Noire et des exercices militaires avec la Biélorussie. Il y a huit ans, la Russie avait annexé la Crimée et soutenu militairement les séparatistes pro-russes dans le Donbass, à l’Est de l’Ukraine. Une guerre larvée a persisté depuis lors et il suffirait d’une étincelle pour déclencher la guerre, vu l’extrême militarisation de la région et le « vent de panique » insufflé par Washington et que critique le président ukrainien
Une guerre imminente? Vraiment?
La guerre devrait débuter ce mercredi 16 février si l’on en croit les sous-entendus de Joe Biden, la semaine dernière. Autrement dit, les « grandes oreilles » des services américains auraient toutes les informations sur une invasion imminente. Info ou intox ? Dans ce jeu de dupes, difficile de s’y retrouver, d’autant plus que tous les médias audiovisuels concernés font le buzz et que ce relais incessant des rumeurs d’invasion et des déclarations inquiétantes venues de Washington n’ont qu’un seul but, celui de déstabiliser la Russie… car c’est d’une surenchère entre les représentants actuels des deux principaux pays de la confrontation Est-Ouest dont il s’agit pour l’heure.
Joe Biden fait face aux divisions de son propre camp démocrate aux États-Unis. En partie discrédité depuis son élection, il souhaiterait redorer son blason et apparaître comme le grand artisan d’un recul des troupes russes et d’une désescalade à moindre prix. Ce « résultat » sauvegarderait la crédibilité de l’OTAN, dans laquelle les États-Unis viennent de se réengager et de désigner la Chine comme nouvel adversaire potentiel.
Intégrer L’OTAN, c’est le rêve du nouveau président ukrainien, Volodymyr Zelensky, un ancien acteur comique, qui avait reproché (sous la présidence de Donald Trump) à la France et à l’Allemagne, partenaires des Accords de Minsk 2 avec l’Ukraine et la Russie, de n’avoir rien fait pour son pays ! Il s’est réfugié dans le giron américain, dans l’espoir d’un appui sans faille des États-Unis.
650 millions de dollars d’armements
Biden a fait livrer aux Ukrainiens depuis l’année dernière pour 650 millions de Dollars d’armements de pointe. Mais si Zelensky a obtenu le plein soutien de Biden pour que son pays conserve toutes ses frontières, la question de son adhésion à l’OTAN reste improbable voire impossible. En tant que membre de l’Alliance, l’Ukraine bénéficierait alors de la « clause de Défense mutuelle ». Dans ce cas, l’OTAN entrerait véritablement en guerre contre la Russie pour défendre l’Ukraine agressée. Le conflit deviendrait mondial.
l’OTAN est la bête noire de Poutine ! Il veut éviter que l’Ukraine ne bascule totalement à l’Ouest et que sa frontière puisse devenir le tremplin de forces de l’OTAN. Ce qu’il souhaite est que l’OTAN recule aux frontières de 1999 ! « La Russie n’acceptera jamais que l’Ukraine adopte une position occidentale », avait-il déclaré. Poutine exige des assurances de la part de l’OTAN et de l’Europe. L’affaire n’est pas nouvelle. Le Protocole de Minsk et les Accords de Minsk 2 dans le format Normandie, signés en 2014 et 2015 pour mettre fin à la guerre en Ukraine orientale, n’ont rien réglé. Aussi, à défaut de telles garanties – qu’il estime être légitimes et vitales aujourd’hui – n’aura-il pas d’autre choix que de réagir. Selon ses propres termes : « Quand un conflit est inévitable, il faut frapper le premier ! ».
« Ils vont le payer » Joe Biden
Le réengagement de Biden dans l’OTAN est considéré par le président russe comme une « provocation ». Celui-ci a voulu marquer son territoire en y faisant faire des manœuvres, mais peut-il aller plus loin en prenant les devants à la frontière ? Le prix à payer en serait très élevé, s’il fallait en croire les mises en garde américaines : « S’ils envahissent (l’Ukraine), ils vont le payer ! Ils ne pourront plus faire de transactions en Dollars », a averti Biden qui menace de sanctions très lourdes, identiques à celles infligées à l’Iran.
Sans compter l’avertissement du chancelier allemand, Olaf Scholz, lequel confirme que l’Allemagne, qui est pourtant la première intéressée par le projet du gazoduc Nord Stream 2, s’est déjà engagée auprès des Américains à bloquer définitivement sa mise en service en cas d’attaque russe contre l’Ukraine. Moscou peut-il se risquer à perdre ses derniers avantages géostratégiques par rapport aux Européens ? A priori, NON ! Même si, comme un diplomate russe l’affirme : « Les Russes n’en n’ont rien à foutre des sanctions ! »
Pourtant, selon les Américains – qui semblent vouloir joindre l’action à la parole – Poutine est résolu à tester l’Occident. Ne serait-ce que pour le faire, l’Armée russe entrerait en Ukraine d’une manière ou d’une autre. Ouvertement, les Services de renseignement américains estiment que l’invasion russe pourrait commencer par des bombardements aériens et pourrait ensuite inclure « un assaut rapide » contre Kiev. Mais dans quel intérêt, compte tenu du retour à une guerre plus froide que jamais que de telles sanctions entraîneraient alors ? Ils ne le disent pas.
À quand un Gorbatchev américain?
Au fond, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. L’Ukraine est une terre d’affrontement ancestral entre des vagues d’immigration. Il est cocasse de songer que les Ukrainiens sont les descendants d’Iraniens, les Scythes et es Sarmates, venus il y a 2000 ans par des chemins encaissés et des plaines boueuses peupler cette région à la recherche d’or. Les russophones du Donbass sont en revanche des immigrés récents envoyés occuper les terres ukrainiennes par Staline et son chef de la police, le redoutable Beria.
On se focalise sur l’Ukraine qui préfigure d’autres affrontements. Ce bras de fer est important en raison des répercussions qu’il aura sur la Syrie, la Géorgie, le Sahel, la Centrafrique, ou encore Hong Kong. Or depuis la Guerre du Viêt Nam, la Crise de Suez, la Guerre du Golfe et l’invasion de l’Irak en 2003, les Américains ont commis de nombreux faux pas. On attend ce moment où un Président américains saura dessiner avec sang froid les nouvelles frontières de l’Empire américain, comme Gorbatchev l’a fait pour l’ex URSS.