Sénégal, le cout record du carburant

Au Sénégal, la cherté du carburant choque. C’est d’ailleurs un record dans l’espace Uemoa malgré les 16 millions de barils de pétrole produits en 2024. Devant cette situation, les acteurs économiques commencent à perdre patience, le Gouvernement tempère. Les effets de l’exploitation du pétrole et du gaz tardent à se faire sentir. 

Comme chaque matinée du lundi à Dakar, le trafic est sérieusement ralenti sur l’autoroute menant vers le Centre-ville. Les chauffeurs sont obligés de marquer le pas. À la sortie d’une bretelle, l’ambiance est à son paroxysme. Le pouls du transport en commun bat très fort. Les rabatteurs et chauffeurs s’égosillent, appelant vers diverses destinations. Concentrés certes mais ils sont très intéressés par le prix actuel du carburant. 

Tee-shirt bleu, noirci par l’huile de moteur, Ismaila Sall, le visage fermé, exprime toute sa désolation. À ses yeux, le carburant est anormalement cher. « Depuis l’arrivée du nouveau régime de Bassirou Diomaye Faye, nous attendons la baisse du prix du carburant. Mais il n’en est rien depuis un an. Nous déplorons cette cherté. Payer 1,52 euro (1000 Fcfa), c’est encore cher payer. Le coût de la vie est élevé. Les ménages sont fatigués. Nous souffrons », se désole l’acteur du secteur des transports. 

À quelques mètres de lui, un groupe d’hommes est en pleine discussion. Les échanges portent sur la politique notamment sur la situation tendue entre le pouvoir et l’opposition. Le chef de garage, Abdou Fall même s’il est militant du parti au pouvoir affirme sa déception. « Il est inconcevable d’avoir le litre d’essence à 1,52 euro. Au Mali ça coûte moins cher. Il faut que l’État règle ce problème. Une grève n’est pas à écarter s’il n’y a pas de baisse dans les mois à venir », prévoit Abdou Fall. 

Pas encore d’effet de l’exploitation des hydrocarbures 

Le carburant coûte cher au Sénégal. D’ailleurs, le pays présente le prix du litre d’essence le plus élevé de la zone Uemoa. Il est vendu à 1,52 euros au moment où le litre coûte 1,30 euro en Côte, 0,75 euro au Niger, 1,06 euro au Bénin, 1,18 euro au Mali, 1,30 euro au Burkina Faso et 1,04 euro au Togo. 

Pour l’expert en Énergie et hydrocarbures, Mbaye Hadj, l’ajustement du prix carburant obéit a plusieurs logiques. « Il existe un dénominateur commun aux pays de l’UEMOA : le prix de revient des produits dérivés du pétrole à leur arrivée aux ports. Ce coût inclut trois composantes principales : le prix du pétrole brut, le coût du raffinage et les taxes portuaires, qui peuvent varier d’un pays à l’autre », souligne le spécialiste. 

À l’en croire, les prix à la pompe, même dans un espace régional homogène comme l’UEMOA, dépendent de plusieurs facteurs supplémentaires, tels que les coûts de transport et de logistique, les taxes spécifiques sur les produits pétroliers propres à chaque pays, et la marge des distributeurs.

Ainsi, il en déduit que le prix élevé du carburant au Sénégal par rapport à la sous région s’explique principalement par le niveau de ces taxes.  « Prenons l’exemple du Mali, où le carburant transite par le Sénégal. Les coûts de transport et de logistique y sont naturellement plus élevés qu’au Sénégal. Pourtant, les prix à la pompe y sont souvent plus bas. Cela s’explique probablement par une fiscalité moins lourde : le Mali applique sans doute moins de taxes sur le carburant que le Sénégal », souligne Mbaye Hadj. 

Au Sénégal, les taxes sur le supercarburant représentent 48,5 %, au moment où le Mali est à 27,82 %  et 34,9 % en Côte d’Ivoire. 

Le Gouvernement tempère 

Poursuivant son analyse, l’expert Mbaye Hadj considère que l’exploitation et la raffinerie du pétrole sénégalais par le Sénégal lui-même peuvent certainement contribuer à une baisse significative des prix des produits dérivés tels que le diesel, l’essence, le kérosène ou encore l’essence pirogue. Cette réduction, à ses yeux, aurait un effet domino positif sur l’ensemble de l’économie nationale.

Cependant, il note qu’une une telle dynamique nécessite une stratégie globale allant de la formation de compétences locales à la mise à niveau ou la construction d’infrastructures adaptées au traitement des hydrocarbures. « Concernant le gaz et la baisse de l’électricité : Le gaz naturel représente une opportunité majeure pour faire baisser le coût de l’électricité dans le pays, qui dépend encore à près de 70 % d’importations de fuel », dit Mbaye Hadj. 

Du côté du Gouvernement aucune date ou périodicité exacte n’est donnée pour satisfaire la demande concernant la baisse du prix du carburant. Pour le ministre du Pétrole et des Énergies, Birame Soulèye Diop, leGouvernement travaille avec l’ensemble des services concernés, sous la tutelle du Ministère de l’Energie, du Pétrole et des Mines, pour une baisse des prix des produits pétroliers et de l’électricité, ainsi qu’un meilleur ciblage de la subvention.