Seidik Aba: l’Afrique, un continent de jeunes dirigé par des vieillards

L’exercice du pouvoir politique en Afrique offre un parfait paradoxe : celui du continent le plus jeune au monde (âge médian 19 ans en Afrique contre 44 ans en Europe) mais dirigé par les chefs d’Etat les plus âgés de la planète.

 

L’éditorial de Seidik Abba, Rédacteur en chef de Mondafrique

Un jeune équato-guinéen de 45 ans n’aura connu comme président que Teodoro Obiang Nguema MBasogo ; son voisin camerounais de 42 ans n’aura connu que Paul Biya à la tête du Cameroun depuis 1982 ; un Congolais de 35 ans n’aura connu que les années Sassou Nguesso dans son pays.

Paul Biya, le record de longévité

Si avec Paul Biya, 92 ans, l’Afrique décroche la palme de Doyen des chefs d’Etat en exercice dans le monde, c’est également un autre de ses homologues africains Teodoro Obiang Nguema qui détient avec 46 ans à la tête de la Guinée-Equatoriale le record mondial de longévité au pouvoir. Non loin de lui, Paul Biya affiche 42 années au compteur à la tête du Cameroun. Malgré l’âge et l’usure du pouvoir, le président camerounais est pressenti par ses partisans pour succéder à lui-même pour un nouveau mandat de 7 ans lors de la présidentielle prévue en 2025. Il aura alors 99 à la fin de son prochain mandat.

En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, 82 ans, pouurait lui aussi être candidat sa succession lors de la présidentielle prévue le 25 octobre 2025. A la fin de son prochain quinquennat s’il est élu, Ouattara aurait 87 ans.

Avec plus de 36 ans au pouvoir, le Congolais Sassou Nguesso, 81 ans, devait, sauf imprévu, être candidat à sa succession lors de la présidentielle prévue en 2026.

Gare au jeunisme

Pourtant au Cameroun, en Guinée-Equatoriale comme au Congo, les jeunes de moins de 35 ans représentent plus de la moitié de la population, parfois même les deux-tiers des habitants. Sur un continent, où l’âge est un des indicateurs de maturité, ce n’est pas tant le vieillissement de Paul Biya, Teodoro Obiang Nguema, Alassane Ouattara, Denis Sassou qui pose problème, mais surtout les risques qu’ils ne sont pas en phase avec une jeunesse 2.0, connectés aux smartphones, aux réseaux sociaux, des technologies qui ne disent, peut-être, pas grand-chose à cette génération des dirigeants. Et il y a bien un problème lorsque la préoccupation des dirigeants n’est pas celle de leur jeunesse.

 Le risque est, par exemple, réel de deux Cameroun: un Cameroun dont les trois premiers responsables de l’Etat (président de la république, président du Sénat, président de l’Assemblée nationale) ont tous plus de 80 ans et un autre Cameroun composé majoritairement de jeunes de moins 35 ans, férus de réseaux sociaux, fanatiques des jeux-vidéos ainsi que des derbys de football. Entendons-nous très bien : être jeune ne donne pas de brevet de légitimité, ni de certificat d’efficacité. Autant l’Afrique a besoin des dirigeants qui reflètent bien la jeunesse de sa population, autant les jeunes doivent faire la démonstration qu’ils méritent d’arriver aux affaires. Ils doivent surtout démontrer qu’ils peuvent gérer autrement et mieux que l’ancienne génération. Feu Thomas Sankara, icône de la révolution burkinabé, disait : « chacun doit faire mieux que son père.»